Grand départ pour le khumbu

Suite à nos aventures dans la région des Annapurnas et quelques jours de repos bien mérités dans une petite ville à mi chemin entre Pokhara et Katmandu (Bandipur), nous voilà enfin partis pour notre aventure majeure népalaise, dans la région du Khumbu. Plus connu sous nos latitudes comme la région de l’Everest.

Le choix commun est d’éviter l’avion qui nous déposerait à moins d’une semaine de marche. Ayant le temps (luxe suprême), on privilégie une approche lente, prenant le chemin historique utilisé par Tenzig Norgay, Edmund Hillary et leurs immenses caravanes de 600 porteurs dans la première ascension victorieuse de l’Everest. Notre aventure commence donc par un premier bus fort compliqué (doux euphémisme, les 9 ultimes heures de pistes et nids de poules furent dans un bus bondé harassantes) depuis Kathmandu jusqu’au village de Shivalaya, point de départ de notre excursion. Le destin nous a donné raison, une semaine après nos premiers pas, on découvre dans un lodge, le jour de la fête nationale, les images diffusées en boucle du crash d’un avion à l’aéroport de Lukla.  La sécurité à tout de même un prix, nous forçant à troquer les 45 minutes d’avion pour 10 jours de marche, faits de hauts et de bas. Tout le reste du trajet, les marcheurs croisés nous confieront que, malgré les semaines avançant, l’épave jonche toujours le bord de la piste d’atterrissage… mais nous y reviendrons, et cela ne protège en rien des ennuis mécaniques au cours du trajet.

 

 

Le silence sur ce blog s’explique par le rythme et la durée de notre trek, 36 jours de ballade, seuls avec nos sacs, avec comme objectif initial de découvrir les lacs du Gokyo et leurs paysages renversants. Si nous avions une ébauche de planning ainsi qu’un itinéraire prévu au moment du départ, on peut dire, sans gêne, que leurs suivis respectifs furent calamiteux. Le tout pour notre plus grand plaisir !

Décrire jour par jour cette errance, et les 30.000 mètres de dénivelés qui vont avec, nous apparaît à la fois quelques peu vain (certaines journées pouvant se ressembler étrangement) et une somme de travail colossale, entre recopie de nos carnets de bords et retouches des photos de mon côté, nous publierons seulement des extraits. Pour les aventures complètes, attendons donc de nous retrouver autour d’un bon verre de vin (fantasme actuel numéro un pour Laura comme pour moi, on ne désespère pas de l’assouvir à Kathmandu).

 

 


11 Avril, col de Lamjura Bhanjyang (3500 mètres)

 

Pour notre troisième jour, nous entamons notre marche, bien matinalement, depuis le village de Chinbu où nous avons hier partagé, habitation, repas et Chang. Boisson locale, sorte de bière fermentée à partir de maïs, expliquant à la fois son immense présence dans les cultures entrevues ces premiers jours et son absence totale de la cuisine locale.

 

 

La veille au soir, nous avons longuement discuté avec un népalais. Les évocations des Pikey Peaks (4096 mètres), atteignables en 3 jours de marche, éveille en nous une immense curiosité. La litanie de sommets visibles par temps clair depuis les pics scelle notre décision. Peu de mots entre Laura et moi, juste un sentiment partagé, on fonce ! Normalement, on devrait trouver un guide au col pour nous emmener là-bas. Non pas que cela soit de l’alpinisme, loin de là, mais les sentiers très peu fréquentés et la neige aux sommets nous rappellent un peu à la prudence.

 

 

Le réveil sonne encore et bien matinalement… je n’en aurai bientôt plus besoin, me réveillant par la suite chaque jour bien avant 5 heures, effet de l’altitude j’imagine. Après notre petit thé, nous reprenons la montée, les 600 mètres de la veille faisant place aujourd’hui aux derniers 1200 mètres pour atteindre le col. Le tout avec la version locale du pic nic dans le sac à dos : chapatis (pains plats d’origine indienne) et œufs durs. Dès le début, on le sait, la montée nous poussera inexorablement dans les nuages, mais pour le moment le ciel est bleu et nous pouvons admirer au loin les Pikey Peaks, promesse d’un panorama grandiose. Après un petit thé pour couper la matinée, le décor se trouve bouleversé. Le vert fait place au gris, seule quelques plaques de mousses brouillent encore la monochromie des lieux.

 

 

Sous nos yeux, déforestation, arbres et rochers disséminés de façon anarchique par les forces de la nature ayant ravagé cette région en 2015. La brume nous tombe dessus, nous plongeant en quelques secondes dans un décor de fin du monde. C’est sublime et je mitraille pendant tout le reste de la montée. Revenant de quelques photographies d’arbres (on se refait pas, même en voyage), la silhouette de Laura, partie devant, disparaît peu à peu dans les volutes de nuages qui nous entourent… on ne voit pas à 20 mètres ! Vite, la photo est là, je me baisse, plie les genoux précipitamment, et déclenche. A ce rythme, avec un lourd sac à dos, je sens les ligaments qui trinquent en un instant. Fin de la journée avec les genoux douloureux. Je me sais coupable, mais aucun doute, à la prochaine occasion, je commettrai l’erreur de nouveau…

 

 

Quelques maisons émergent enfin dans notre champ de vision en contrebas du col (nous le découvrirons seulement le lendemain), enfin ! La dernière heure, son chemin incertain, la visibilité réduite et les ravages du tremblement de terre nous faisant douter des traces que nous avions suivies. Déception, l’endroit où nous espérions trouver un guide est clos. La vue de la chaîne de l’Everest au sommet des Pikey Peaks attendra. On pose nos sacs dans la seule maison ouverte au sein du hameau, tenu par un couple âgé. Autour de nous, c’est un sentiment d’abandon qui domine avec ces maisons closes, ces enclos et potagers depuis longtemps en friches.

 

 

Il fait froid, humide et pour la première fois du trek, nous sommes relativement haut. L’après midi devient glaciale.. Mais le lodge et ses gérants ont l’air bien modestes; ce n’est qu’à 18h30 que nous pourrons profiter de la chaleur bienveillante du poêle. Le principal n’est pas là, un sentiment d’être enfin en montagne me prend, malgré les nuages obstruant les premières visions de ces sommets qui nous font tant rêver.

 

 

Alexis B.

9 thoughts on “Grand départ pour le khumbu

  1. On retrouve avec un immense plaisir les beaux portraits et les émotions du récit .
    Merci pour ce moment de partage

    1. Salut Maman,
      Merci pour le retour. Par contre pour les portraits, hormis sur les premiers jours, c’est chou blanc. Les sherpas sont fort réfractaire à l’image et une fois passés Namche, impossible de photographier les gens…

  2. Merci pour ce premier récit …. et ces premières photos … sur ces 36 jours de trek.
    Même si c’est à posteriori, j’ai presque l’impression de marcher à vos côtés en lisant votre blog …. et je suis captivé par l’aventure même si j’en connais la fin.
    En fait, j’avais l’impression que vous étiez déjà en montagne depuis votre premier trek dans la région des Annapurnas …mais sans doute que pour vous
    “sentir” en montagne il fallait que vous vous engagiez sur les premières étapes du trek des lacs du Gokyo dont vous aviez tant rêvés en préparant votre voyage.

    1. Salut Papa,
      L’impression d’être en montagne, c’est surtout la proximité avec les sommets. Entre les visions panoramiques entrevues aux Annapurnas, il fût fort agréable de plonger directement dans les montagnes cette fois-ci.

    1. Je crois qu’il va falloir te préparer pour un nouveau voyage au pays des 8000… bon il y a toujours le Pakistan, mais c’est moins facile d’accès.

      D’ailleurs (énorme oubli de ma part de ne pas l’avoir photographier), mais sur les innombrables stickers apposés aux fenêtres des lodges, il y avait une annonce pour une compagne au sloglan plus qu’engageant “the cheapest company for 8000s”. Si tu as envie de risquer ta vie tout en économisant le prix d’une bonne bouteille de vin, n’hésites pas 🙂

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