Un nouveau trajet en train nous emmène sans encombre jusqu’à Malang, au pied du Bromo. Malheureusement celui-ci est en alerte, menace d’éruption… impossible à l’heure actuelle d’y grimper, on diffère l’ascension en partant plein sud, dans le village de Sendangbiru à seulement 2 heures de route. Ô joie des transports courts ! Après un premier transport en commun dans la ville, on trouve aisément notre bus, être les deux seuls blancs de la gare routière aide beaucoup. Enfin ici, il n’y a de gare routière que la longue file de bus stationnés, parfois en double file, le long d’une artère passante.
Le trajet est confortable, on a même de la place dans le bus. Au bout d’une heure on s’estime vraiment vernis de ce petit trajet. Cinq minutes plus tard, nous sommes débarqués dans un village et devons poursuivre le trajet par d’autres moyens. La cohorte de rabatteurs / motards nous tombent dessus. La distance est encore longue, le prix élevé, on refuse poliment. On trouve quand même un petit bus collectif, proche de l’épave, mais qui devrait faire l’affaire. Comprenant bien que nous ne partirons pas de suite, nous dégustons une soupe à un boui-boui. Pour une portion bien moindre que celles des locaux, on nous demande un prix exorbitant, sans commentaire… pour le même prix nous avions mangé une succulente soupe la veille dans un restaurant chinois plutôt chic de Malang, ici c’est franchement dégueulasse et nous en ressortons le ventre encore bien creux, mais passons.
On retourne à notre bus, qui est toujours vide. On flâne, on tue le temps comme on peut. Au bout d’une heure, le chauffeur vient nous voir, et nous explique que contre supplément, on peut partir de suite. Comment payer les sièges vides en somme. On en discute, on négocie bien sûr, l’écart de prix n’est pas immense, on accepte. Et soudain, les autres voyageurs que le chauffeur avait regroupé à l’écart fondent subitement sur le bus et s’installent à nos côtés. Deux arnaques en une heure trente… et moi qui croyais que les arnaques suivaient les touristes, ici c’est l’inverse visiblement. Pas grave, nous n’en sortons pas ruiné, et après une heure dans des collines verdoyantes, nous arrivons enfin au petit port de pêche. Après un tour rapide des homestays (les fermés, les glauques et le correct), on pose nos affaires et allons nous balader. Assurément très calme, le village est rythmé par les incessants appels du muezzin. Dormant en face de la mosquée, nous pourrons en profiter aux plus belles heures de la journée, avec une pointe fort agréable un peu avant quatre heures du matin. Instantanément on est des stars, et les selfies se multiplient à une vitesse indienne, mais toujours après une demande initiale. On se ballade, découvrant le port, très actif et son marché accolé. Plusieurs dizaines de bateaux de pêche sont là dans un bras de mer, protégé par une île. On se croirait au bord d’une rivière, il ne doit pas y avoir plus de 100 mètres d’une côte à l’autre. L’île en face est inhabitée, un seul sentier la parcoure, mais il semblerait qu’il nous faille un bateau et un guide pour y aller… personne ne semble pressé de nous le proposer, nous ne l’atteindrons jamais malheureusement.
Le lendemain, on part pour un parc naturel, avec au programme mangroves et plages de rêves. Les indonésiens ne marchant jamais, les locaux doivent y aller en voiture. De notre côté, on suit les pancartes depuis le village qui mènent à la réserve. A mi-chemin, un employé du parc que nous croisons nous informe que c’est fermé et que nous devons rebrousser chemin. Sentiment partagé avec Laura que si nous avions payé un chauffeur pour parcourir les quatre kilomètres, le lieu nous aurait été ouvert. Franchement dégoûté, on rebrousse chemin et après une lente flânerie dans tous les coins du village, on trouve finalement quelques bières, vendues presque cachées dans une épicerie à l’écart, il faut bien ça pour s’occuper. Le lendemain, nouvelle tentative à pieds. Deux petites heures de marche sur une grande route pour tenter d’atteindre d’autres plages. L’aller est rapide, moins d’un quart d’heure après notre départ, nous nous hissons à l’arrière d’un pickup et avalons ces quelques kilomètres sans effort et les cheveux au vent.
La première plage est très belle, immense avec plusieurs pineaux qui délimitent son flanc gauche. Malheureusement, l’océan indien s’y montre féroce, pas question d’y plonger une tête. Petite lecture au soleil pour moi, sieste pour Laura puis on repart vers la seconde plage. Ici elles sont payantes, mais les gens aux guérites dorment tranquillement, semblant attendre le bruit des moteurs. Arrivant sans bruit, il ne nous sera jamais rien demandé. La seconde plage est encore plus belle, et comble du bonheur, il y a une petite zone rocheuse à une extrémité qui casse les vagues au large et nous permet de nous baigner sans risque. Le tout sans personne ou presque, alors on fonce, surtout Laura qui peut enfin étrenner son nouveau bikini, l’eau est rafraichissante, limpide, le bonheur ! Mais bien vite, notre petit paradis se remplit, la baignade devient plus difficile. Et à la plage, comme en ville, l’homme indonésien garde ces bonnes habitudes, le gros 4×4 est là sur le sable à une dizaine de mètres de nous et la baignade se fait clope au bec, comme tout action de la journée. Les femmes sont voilées, pantalons et manches longues, alors on enfile bien vite, et à regret sous ce soleil de plomb, nos tenues de marche. On quitte le soleil pour un repas du midi absolument infâme, le poulet devait traîner là depuis une bonne quinzaine de jours… Ultime tentative à la plage où malgré les familles, on craque pour une seconde baignade qui ne manque pas d’attirer les regards.
Le soleil décline déjà, c’est l’heure du retour. Profitant de la haute technologie (maps.me invention géniale), on évite la route et longeons des petits chemins au calme dans la campagne. Avec la lumière c’est splendide et nous profitons de cette belle heure de marche dans un calme absolu. Retour à la civilisation en croisant une route menant à une plage, celle que nous visions hier. Au vu du nombre de véhicules, elle ne semble pas si fermé que ça… mais nous ne pourrons pas en profiter, il va bientôt faire nuit. Après quelques selfies avec les locaux, nous longeons la grande route, personne ne nous prendra en stop cette fois-ci. On revient au crépuscule à notre village. Je pars chercher quelques Bintang et en profite pour enchaîner les portraits. Nous sommes visiblement connus maintenant, tout comme mon appareil photo. On écluse nos bières et un petit riz frit (rose…), une vraie soirée indonésienne.
Le lendemain, c’est l’heure du départ. Le Bromo est toujours interdit d’accès. Nous pourrions suivre la cohorte de touristes et atteindre le plateau d’Ijen pour escalader un volcan éteint et faire de “magnifiques photos” des mineurs transportant le souffre pour un salaire de misère. Très peu pour moi, cet endroit me révulse. Découvert il y a quelques années via le film War Photographer (terrifiant et passionnant reportage), cela m’interroge vraiment sur la notion de voyage. Qu’un volcan soit une star des réseaux sociaux tout comme un lieu de reportage d’un homme habitué à suivre les conflits les plus sanglants de la planète est une contradiction que je me refuse d’aller voir. On continue donc notre route, et nous décidons d’atteindre Bali. Nos hôtes, même sans un mot d’anglais, nous aident bien, nous trouvons un bemo pour rejoindre la ville de l’arnaque. Mais allant dans la grande ville attenante, nous n’y restons que quelques minutes le temps d’y trouver un bus. Le moteur semble à l’agonie, on doit pas rouler à plus de trente kilomètres heure, mais on arrive tout de même et sans encombre à Malang. Un autre bemo nous dépose en centre ville, on se remplie la panse dans le restaurant chinois que nous avions trouvé au cours de notre premier passage. Puis on cherche un second bemo pour atteindre une autre gare routière de la ville, à quelques kilomètres au Nord. La recherche est longue, les chauffeurs refusant de nous prendre pour des motifs inconnus nous forçant à longer sur deux kilomètres une quatre voies (en théorie car leur nombre se multiplie à volonté dans cette joyeuse cacophonie) le nez dans les pots d’échappement. Parfois frôlés par des deux roues pressées, utilisant les rares trottoirs comme voie annexe. En même temps, personne ne marche ici, alors autant en profiter ! A la gare ferroviaire, on trouve enfin notre bonheur et nous atteignons la gare dans une camionnette pour une fois non surchargée, un grand plaisir quand nous trimballons nos sacs à dos.
Il est 15 heures, nous avons quelques heures à tuer avant notre bus de nuit, que l’on passe à boire quelques thés glacés. Jamais de bière avant un long trajet pour éviter les envies pressantes. On s’installe dans le bus et c’est parti pour une nouvelle charmante nuit romantique. Le bus n’est pas cher, un repas (infâme également) est même compris, il ne faut pas s’attendre à un cama argentin. Heureusement, la traversée entre Java et Bali en bateau nous offre une heure de répit pour délasser nos jambes et profiter d’une quasi pleine lune sur le pont du bateau. Six heures du matin, nous sommes enfin arrivés et nous montons dans un taxi en direction d’Ubud. On voit instantanément que nous venons de changer de monde. Depuis notre départ du Népal, nous ne vivions que dans des contrées musulmanes, alors qu’ici chaque rue, chaque maison semble construite autour de son temple hindouiste. Arrivés à sept heures, notre chambre est pourtant déjà disponible, on s’écroule dans notre lit. La découverte d’Ubud confirme ce changement de monde. Les tenues locales ont changé, sarong et foulards à la taille pour tous. Mais c’est surtout la masse touristique qui nous déboussole. Les touristes sont, pour certaines, bien peu habillés, et la recherche vestimentaire semble en complète contradiction avec la décontraction qui doit obligatoirement émaner de la tenue. Les boutiques sont belles et chères, les restaurants décorés, la nourriture internationale… on n’avait pas vu ça depuis Katmandou, le chic en plus, les effluves de hash en moins. Après ces quelques mois d’ascètes, on en profite et redécouvrons quelques saveurs oubliées ainsi qu’une cuisine balinaise qui devrait bien plus convenir à nos palais exigeants.
Le deuxième jour, après une ballade solitaire et matinale dans la ville et son marché alimentaire (avant que celui-ci se transforme en marché de souvenirs), alors que je bois un café devant notre logement, Laura encore sous la couette, nous subissons un petit tremblement de terre.Rien de bien grave, il n’y a pas eu de casse, l’épicentre étant bien loin au sud des côtes, mais cela surprend quand même de voir la terre si agitée et bruyante. Le soir, nous allons voir au sein du palais royal un spectacle de danse balinaise. Mélange de théâtre et de chorégraphie où les yeux et les mains sont des éléments clés, ce spectacle nous a fasciné tous les deux. Dans un cadre somptueux, ces danses, sa musique lancinante et les costumes qui vont avec ont un effet hypnotisant. Peut être y retournerons-nous !
Contrairement à Java et Sumatra, Bali est minuscule. Si bien que tout voyageur ne jure que par le scooter pour la découvrir sans passer par les agences de tourisme. Mais si l’île est minuscule, pourquoi se contraindre avec un scooter, un casque qui obstrue la vue et ce bruit de moteur qui couvrent la vie à la campagne ? Cela me trottait dans la tête, Laura a finalement accepté, demain, nous laissons une grande partie de nos affaires à Ubud et partons découvrir le nord de l’île avec nos seules jambes comme compagnons ! Quelle joie de retrouver le rythme lent de la marche, au risque de ne pas passer inaperçu… Mais on commence à s’y habituer.
Alexis B.