On quitte Tam Coc dans la matinée et mettons le cap à l’ouest dans la direction de la tristement célèbre Diên Biên Phu. Mais sans trop se presser, s’arrêtant ici et là au fil de l’eau. On prend un bus, gentiment réservé par notre hôte et qui doit nous considérer comme de bien précieux voyageurs. Pour les trois heures qui nous attendent, nous avons donc droit à un bus de compétition, avec des sièges quasi horizontaux et le stock de plaids qui va bien… Le pied dans un voyage nocturne, ici c’est franchement inutile, et peu économique ! Nous longeons de grandes zones rurales d’un vert intense ponctué ici et là de sommets dont l’allure rappelle ceux aperçus depuis notre barque. Avec de la musique dans les oreilles, que du bonheur.
On nous dépose sèchement (qualité première et indispensable des chauffeurs de bus locaux) à un carrefour, Laura a une pointe d’inquiétude dissipée aussitôt, deux hommes se proposent très vite pour nous emmener à destination à l’arrière de leurs motos. On embarque pour quelques kilomètres de descente, dans une vallée encore une fois verdoyante. On est déposé chez les copains, complexe de maisons sur pilotis construites en bois. C’est complet mais sans regret pour nous, notre bourse aurait dit non. Autour, ce n’est que des rizières, avec au loin un lodge d’un luxe bien supérieur. Pas le choix, on prend notre barda en direction du “gros” village, 30 minutes de marches sous le cagnard, aucune ombre pour nous protéger, avec toutes nos affaires, les joies du voyage… Le village est niché sous les arbres, à la seconde chambre visitée, on pose enfin nos affaires et avalons un plat de nouille anecdotique. Après midi languissante, la chaleur n’incite pas à l’action, ce n’est qu’un début de soirée que l’on retournera sur la plaine précédemment arpentée pour profiter plus tranquillement des rizières et des monts qui entourent la vallée. Malheureusement, avec le retour d’une fraîcheur toute relative, nous ne sommes pas les seuls à nous éveiller de notre torpeur, les chiens courent, aboient, au grand malheur de Laura. Repas du soir avalé au lodge, le village n’offre que peu de vie locale, quel dommage, on devra chercher ailleurs.
Réveil matinal pour une ballade en solitaire. Il n’est pas cinq heures et demie que l’activité au champ bat son plein. Ici encore, on vit avec le soleil, ou plutôt en l’évitant. Dans les champs, accroupies, les femmes taillent, coupent, arrachent. Les personnes âgées entretiennent abords et sentiers zigzaguant dans les rizières tout en contrôlant le système de canaux d’irrigations. Et les hommes, fins masques de tissus au visage, épandent pesticides et autres saloperies chimiques… J’y flâne deux petites heures partagé entre la sérénité de ce cadre magnifique et la tension des chiens qui sont à ce moment là bien plus virulents et agressifs que la veille au soir. Laura a bien fait de prolonger sa nuit.
Rapide collation, on enfourche des vélos et partons à la découverte de la vallée. La chaleur est déjà bien présente et les chiens déjà à leurs siestes, nous pédalons lentement sans but dans la vallée, entre petits villages désuets et rizières. Ici les maisons anciennes sont toujours construites sur le même modèle, des pilotis d’un étage de haut, le rez de chaussée, simple dalle de terre battue ou de béton, dépourvu de mur, permettant de faire sa vie à l’abri des pluies et à l’ombre de ce soleil dévastateur. On se perd volontairement, tombons sur un charmant lac puis sur une source ou les femmes font la lessive, tandis que des enfant profitent des murets environnants pour perfectionner leurs plongeons. Quelques photos plus tard (ratées), je tourne la tête et découvre l’autre côté de la source où les femmes nues se lavent. La hauteur du mur devrait être suffisante pour les protéger, mais avec un bon mètre quatre vingt dix, la vue est franchement dégagée… Je remballe bien vite l’appareil et file sans demander mon reste, plutôt ravi de pas avoir subi les foudres locales.
Pas encore onze heures, mais le soleil nous écrase déjà. Retombant sur la route principale de la vallée, nous pédalons dans le vrai village avec sa vie locale, son marché et ses terrasses. Cherchant en vain une terrasse animée pour boire un thé (si, si ! ), nous posons finalement nos vélos à une terrasse bruyante. Point de thé ici, deux choix s’offrent à nous, bière bouteille ou bière pression. Les locaux ravis de notre présence, rigolent et tiennent absolument à ce que nous nous joignons à eux pour terminer notre bière d’une traite. Avec la chaleur accumulée, c’est pas le plus dur pour nous. De leur côté, ce n’est assurément pas la première. Quand le premier groupe part, c’est en se soutenant les uns les autres pour éviter de chuter. Les autres suivront en enfourchant leur scooter, aucun problème. On discute avec un expatrié munichois revenu en famille, mélange poussif d’allemand et d’anglais mais on s’en sort. Au fond de la terrasse, le salon de la famille mangeant dans un cadre festif, où les femmes semblent resservir constamment les verres d’alcool de riz à ces messieurs. L’après midi s’annoncent longue pour eux ! Pour nous, c’est l’heure du repas et le hasard nous sera fort clément, le phô est encore une fois délicieux. Après midi à l’ombre.
Le lendemain, retour sur nos selles pour découvrir le sud, sans but aucun comme toujours, la température et un faux plat descendant nous avançons à bon rythme jusqu’à choisir de changer de vallée. On est loin de Mai Chau et des boutiques de souvenirs, ici les gens n’ont qu’un sourire ou un peu d’eau à nous offrir. Les rizières se font plus rares, mais d’autres cultures prennent leurs places, en particulier du maïs. On traine de-ci de-là, arpentons routes et sentiers. Peu avant midi, la chaleur nous écrase littéralement et le retour nous apparaît bien long d’un seul coup. Coup d’œil rapide sur le téléphone, il nous reste 20 kilomètres à parcourir, et le ressenti actuel est de 44°C… Le coup de pédale est de plus en plus dur, pas aidé par cet interminable faux plat que nous avalions sans nous en rendre comte à l’aller. Notre eau ne nous suffit plus, elle est bouillante, et c’est de l’ombre dont nous avons besoin. Devant un grossiste alimentaire, nous larguons nos vélos, et savourons tabourets plastiques, verres d’eau fraîche et ombre bienfaitrice comme des produits de luxe.
On reprend nos vélos pour les dix derniers kilomètres, de plus en plus poussifs quand le village semble apparaître puis disparaît pour revenir un kilomètre plus loin ! Nos nouilles sont avalées encore une fois de façon providentielles, avec comble du luxe, une glace pour nous rafraîchir… peut être cinq minutes tout au plus. Retour dans la vallée touristique, on rend les vélos (aucun doute nous ne les reprendrons pas le soir), longue sieste. Plutôt requinqués, on se met d’accord pour une nouvelle “activité physique” au cours de cette si longue journée ! Nous écluserons, au nom du sport national local, moultes bières en compagnie de Brad, charmant canadien vivant au Vietnam depuis deux ans.
Le lendemain, c’est l’heure du départ, nous devons trouver un transport pour Mai Chau. Plus facile à dire qu’à faire, même si nous devons suivre un axe routier de grande taille (celui emprunté pour venir ici d’ailleurs), personne ne semble comprendre ce que nous disons. Le nom n’apparaît pas si terrible à dire, mais l’incompréhension est totale. Seul le nom écrit fait réagir les locaux. On monte dans le bus, rudoyé par le gérant à l’amabilité douteuse. Dominant tout le monde d’une tête, le strapontin central m’est évidemment réservé, tout comme Laura qui prend la place devant moi, et ne peux pas déployer complétement son siège à cause de mes genoux. Plusieurs fois, le chauffeur nous demandera (ainsi qu’à une grand mère assise devant Laura) de nous lever, replier nos sièges pour qu’il puisse farfouiller dans les sacs et les colis. En guise de merci, un léger grognement accompagné d’un regard de tueur de western. Charmant ! Mais la route n’est pas longue, deux heures plus tard nous y sommes, une soupe phô plus tard on embarque dans un taxi pour le homestay que nous venons de réserver, une fois n’est pas coutume. Ici il n’y a pas de centre à la ville, construite sur plus de quinze kilomètre le long de la route, alors il vaut mieux savoir où on va. La chambre est simple, mais le cadre est charmant. Sitôt dépassé la maison, c’est une mer de plantation de thés qui se déroulent devant nous. Et comme toujours ici, le lointain n’est fait que de ces si jolis monts boisés. Je profite de la fin d’après midi pour aller faire des images dans une belle lumière. Laura vaincue par les aboiements ne me suivra plus cette fois non plus. Bien dommage, car quelques instants après mon départ, c’est la chienne de nos hôtes qui me rejoindra, bien trop contente de pouvoir faire une ballade. Je me laisse guider par Rosa (nous l’avons appelé ainsi) qui connait très bien la vallée, évite les coins où les autres chiens aboient fortement, furètent sous les plantations puis revient en courant me chercher, j’avais dû prendre un chemin qui ne lui plaisait pas.
Le soir, repas partagé avec la famille, où l’abondance des plats (riz, porc, poulet, épinards, ails marinées, pâté) n’a d’égal que les verres de vin de riz que l’on nous ressert fort fréquemment. Pas le meilleur repas qui soit, mais une ambiance plus que sympathique. Le lendemain matin on roule en scooter pour découvrir cette immense vallée. L’apprentissage du deux roues se poursuit, on passe cette fois-ci à la semi-automatique, qui se révélera au final bien plus maniable et confortable que notre scooter balinais, en particulier dans le trafic assez soutenu de la route Hanoï-Diên Biên Phu. Premier arrêt pour voir une grande cascade. Petit Disneyland, avec décor en toc, boutiques souvenirs, faux cerisiers japonais et bien sûr spot à selfies. Nous ne manquerons pas d’attirer les regards, il n’y a que des locaux ici, et nous participerons alors à plusieurs séances photos, le tout avec le sourire. La cascade est belle, mais quand on ne peut s’empêcher la comparaison avec Iguazu, pas transcendante non plus. Nous avions déjà payé une première entrée, mais surprise un second guichet (bien plus cher) permet de monter voir sur un pont la cascade d’un autre point de vue. Nous nous en abstiendrons.
Retour en ville, sans petit déjeuner le matin, nos ventres gargouillent. On se fit à notre logique qu’un restaurant bondé est un bon restaurant. Pari encore une fois réussi, le bun cha est divin, le prix dérisoire et les thés visiblement offerts. L’absence de gentillesse des vietnamiens, tant contés au cours de nos rencontres avec d’autres voyageurs ces derniers mois, ne nous atteint pas encore. C’est plutôt l’inverse qui se produit. Le soleil est éclatant au dehors, on fonce sur la moto pour rejoindre les vallées de thés. Sur le chemin le ciel obscurcit, et quand nous découvrons les premières capes de pluies, il est déjà trop tard, nous sommes sous un orage, impressionnant de force. Nous nous réfugions dans le auvent où une femme et deux hommes discutent. Un thé nous est offert pour patienter le temps que cela s’améliore. Quelques minutes plus tard, le ciel redevient clair, nous profitant de l’instant pour nous éclipser et revenir à notre homestay. Aucune route sur nos GPS alors que nous sommes dans un grand quartier, dédale de ruelle où il nous est bien difficile à nous repérer. Et l’orage nous retombant dessus… On finit par retrouver des lieux connus après quelques frayeurs, nous posons la moto et profitons de cette après midi pour nous reposer, la pluie ne cessant que pour quelques minutes avant de reprendre de plus belle. Alcool de riz au programme ce soir ?
Alexis B.