Un petit paradis sur le Mékong

Au cours de nos premiers mois de voyage, la lecture de La montagne magique de Thomas Mann m’avait, outre une complexité évidente, beaucoup marqué sur le concept du temps extensible en vacances. Passés les premiers jours à un rythme effréné, le temps s’allonge, devient élastique pour le milieu de séjour, les jours filant sans que l’on s’en rende compte. Puis la fin des vacances approchant, le temps se resserre et chaque journée compte à nouveau. C’est dans ce sentiment que nous traversons la frontière laotienne… il ne reste que deux mois à notre épopée, et autant de pays, chaque journée compte ! On s’imagine voyageant un peu plus rapidement qu’au cours des derniers mois… puis survient Don Det !

 

 

Proche de la frontière avec le Cambodge, Don Det fait parti de la région des 4000 îles. Le nombre est tout sauf exact, seules une poignée d’îles sont habitées, et certains îlots ne font guère plus de quelques mètres de long. Certaines îles apparaissent et disparaissent au fil de l’évolution du niveau d’eau du Mékong. Si bien qu’à notre passage, certains îles ne se composent que d’un unique buisson émergeant de l’eau. D’autres bancs de sable sont légèrement sous l’eau offrant des scènes surréalistes de pêcheurs sautant de leurs bateaux au milieu du fleuve et restant debout, l’eau aux genoux.

 

 

L’île a une réputation festive, ce qui nous apparaît plus qu’usurpé. Hormis nos voisins les deux premiers jours qui nous feront profiter de longues heures de leurs choix musicaux douteux, c’est dans le calme et sous un soleil de plomb, du moins au début, que nous vivrons ce moment. Dès neuf heures du matin, le soleil endort l’île, touristes comme locaux. Si bien que nous nous levons fréquemment avec le soleil pour découvrir ces lieux. Il n’est pas six heures que la vie locale est déjà en pleine activité. Dans les champs, sur l’eau, les maisons… Pour nous, ce sont uniquement des ballades à la découverte des cascades ponctuant le cours du Mékong. L’immense majorité des gens découvrent ces îles à vélo, nous opterons encore une fois pour la marche à pied. Un non-dit entre nous émerge bien vite, il faut prendre son temps ici, la vie y est si douce. Notre première longue ballade nous emmène sur l’île de Don Khon au sud que nous atteignons en traversant un pont ancien. Pur produit de l’époque coloniale, on pourrait aisément situer ce pont du côté de Montargis si les palmiers n’émaillaient pas le paysage.

 

 

Nous nous dirigeons plein ouest vers un complexe de cascades. Le volume d’eau n’est pas au plus haut, mais les cascades sont impressionnantes. Malheureusement pour nous, il n’y a pas de point de vue évident pour admirer les chutes, on se contentera de vues en biais. Puis première baignade dans le Mékong, toujours dans la zone des cascades, au sein d’une anse naturelle nous protégeant des courants. Retour en plein cagnard… il faut vraiment se lever tôt ici !

 

 

Nous ferons comme ça de nombreuses randonnées, sur Don Det et Don Khon, à la découverte des cascades et de l’intérieur de ces îles. Les rizières ont déjà été récolté, mais il y subsiste une sensation de calme et d’harmonie qui nous séduira, Laura tout autant que moi. Une ultime ballade me mènera seul (Laura étant malade ce matin-là) sur l’île de Don Som au nord. Après une rapide traversée en bateau, l’île se découvre à moi. Il n’y a rien pour les touristes, les gens sont de nouveau curieux de ma présence ici.

 

 

Voulant faire le tour, je me retrouve bloqué à l’extrémité nord de l’île par des chiens agressifs et une vache bien trop protectrice de ses petits pour partager le sentier avec un randonneur. J’opte donc pour une redescente par le centre de l’île sur des chemins qui fleurent bon la solitude.

 

 

Outre ces harassantes ballades, nous serons de merveilleux adeptes du sport national local : le hamac au bord de l’eau. Lecture, rêveries, musique et autres podcasts… rien n’est plus séduisant que de s’y prélasser à l’ombre… ou au soleil quand celui-ci amorce sa descente. Les jours passant les habitudes s’installent, entre farniente, baignades et randonnées matinales. Le soir, direction notre QG, le Reggae Bar. Depuis le début de notre voyage, nous avons remarqué que les établissements portant ce nom offrent toujours la bière à un prix honnête. Ici encore c’est le cas, mais surtout la nourriture est très bonne et nous offre enfin de nombreuses options végétariennes. Quel cela fait du bien après ces périodes carnassières. Tenu par une famille laotienne, ce sont deux anglais qui gèrent le lieu, en échange du gite, du couvert et d’une quantité astronomique d’herbe. Nous étions prévenus, ces îles dégagent une ambiance hippie et l’herbe n’y est assurément pas étrangère. Mais contrairement à d’autres endroits, ici cela ne choque personne, tant il nous est commun de croiser des locaux fumant l’herbe, qu’ils font pousser eux mêmes, dès les premières lueurs du matin, comme en pleine partie de pêche.

 

 

Nous pensions rester ici quelques jours, nous y resterons finalement dix jours. Une semaine et demie d’allégresse, de lenteur et de bien être tant cette contrée se prête merveilleusement bien aux voyages au long cours. Les jours avançant, ainsi qu’avec la fin de la saison des pluies, les chiens semblent se réveiller de leurs torpeurs. Nous entendons de nouveau aboiements agressifs et autres bagarres, en particulier de nuit. Ce qui n’est pas pour rassurer Laura. Mais bien heureusement, l’île est dans le même temps submergée de petits chiots charmants, curieux et joueurs. Dans la rue, les restaurants, partout ! Et ça, Laura adore !

 

 

Il faut bien continuer notre périple et nous quittons l’île dans la matinée de la onzième journée. Mais sans regrets, nous nous sommes promis tout deux que nous y retournerons y célébrer Noël ! Hormis si un autre coup de cœur éclipse entre temps nos souvenirs de félicité sur ces îles.

 

Alexis B.

2 thoughts on “Un petit paradis sur le Mékong

  1. Cette mélancolie préméditée des voyageurs expérimentés, presque élimés, est inéluctable.
    Je vois néanmoins que vous conservez l’acuité de vos sens et la philosophie de vos décisions… le temps fait le reste.
    Vous êtes subtilement heureux, ça se voit. Et c’est beau.

    1. Joli commentaire, merci ! A travers nos rencontres, nombreux sont ceux qui enchaînent les pays du monde et les destinations “wahou”, nous sommes les seuls à prendre le temps de ne rien faire … et à s’imprégner des lieux tranquillement, d’ailleurs pour ça le Laos est un pays qui s’y prête mieux que les autres 🙂

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *