Du calme à la fureur

Retourner aux 4000 îles, c’est retrouver un monde qu’on aime et qui nous le rend bien. Notre hôte est toujours aussi charmante, les barmans de notre reggae bar fétiche toujours aussi avenants. Être accueilli à bras ouvert à l’autre bout du monde, le tout ponctué de grandes exclamations, quel plaisir. Et toujours avec notre mascotte de l’île, un petit chiot obèse devenant de plus en plus agressif les semaines passant.

 

 

La langueur du premier séjour résumera bien nos moments ici. Baignade matinale pour se rafraichir des bières de la veille, promenade tant que le soleil demeure bas. Et du repos, de la lecture, des discussions à n’en plus finir aux heures où le soleil est proche de son zénith. Pour évacuer cette chaleur, nous prenons nos habitudes sur une bande de rochers au centre du bras du Mékong avoisinant nos hamacs. Après une courte nage en eau profonde, ces rochers nous offrent de merveilleux sièges (il n’y a pas plus de 50 centimètres de profondeur), au frais et aux premières loges pour admirer la vie des voyageurs et des pêcheurs qui passent au plus proche de nous. Le tout avec le sourire des conducteurs d’embarcations nous reconnaissant un peu plus chaque jour qui passe. Le soir, c’est un rendez vous immuable qui nous attend, avec la lente chute du soleil derrière l’horizon. Et pour nous l’occasion d’en prendre plein les yeux, entre les jeux de couleurs du ciel nocturnes et ces jeux d’oiseaux chutant lentement des tiges de roseaux qui les supportent et qui bordent notre terrasse. Qu’il est flagrant de voir que les hommes, ici, ont conservé le temps de la nature et de la faune. Si tôt le soleil couché, toute la vie remue de nouveau dans cette dernière heure bénite, où les premières fraicheurs nocturnes fraient avec les dernières lueurs du jour.

 

 

Cette longue semaine sera pour nous l’occasion de fêter notre premier noël à l’étranger. Que faire ? Un restaurant indien pardi! De loin notre coup de cœur culinaire de notre voyage, alors autant en profiter encore une fois, surtout quand la cuisinière est excellente. Des roti au ghee (beurre clarifié), du dhal, des aubergines fondantes … c’est n’est pas le repas habituel, et le cadre est tout sauf festif, mais qu’importe. Et puis attendre le crépuscule du réveillon sur un rocher au milieu du Mékong, nous ne sommes pas prêt de revivre un moment pareil.

 

 

Quelques jours plus tard, la sentence tombe, il faut bien quitter ce paradis. Des amis nous rejoignent, un réveillon à Bangkok se profile devant nous. Nous redoutons tout deux cette ville immense, lumineuse, agitée et foutrement dépravée, si c’est ce que l’on recherche… Pour nous cela sera déjà une longue période de transport, nuit comprise bien sûr. Un bateau, quatre bus, un tuk-tuk jumbo (savant mélange entre un tuk-tuk et un fourgon aux bancs militaires bien durs) plus tard, nous y sommes enfin. Après une nuit blanche ou presque, c’est avec bonheur que nous constatons qu’une de nos chambres est prête à une heure fort matinale, nous pouvons nous y écrouler avec bonheur et récupérer un peu. Nos premiers pas dans la ville nous laisse dans une grande crainte. Retrouverons-nous ces artères larges, anonymes et sans charmes de Saigon ou Jakarta ? Ou ces ruelles, certes toutes aussi bruyantes, d’Hanoï ou chacune expriment sa personnalité, ses odeurs, ses bruits et sa vie de quartier ? Au final nous trouverons les deux. La ville se démarque tout d’abord par une propreté et un calme « relatif » qui nous est inconnu des mégalopoles asiatiques. Mais c’est surtout le Chao Praya qui change la donne. Traversant la ville, le fleuve offre la possibilité aux touristes comme aux habitants d’emprunter un moyen de transport lent, confortable et éloigné des bruits de la ville. La vue des multiples temples et palais qui ponctuent les bords de fleuve ajoute un charme certain à ces flâneries. Notre hébergement longeant un khlong (canal artificiel connecté au fleuve par le biais d’une écluse), nous offrent également des balades au bord de l’eau, loin du bruit des voitures et autres scooters… alors qu’ils ne sont qu’à une centaine de mètres des rives. Ces îlots de calme représentent pour nous un sas idéal entre les campagnes et autres petites villes qui nous ont occupé ces trois derniers mois et cette cité démesurée.

 

 

Nous attendons Tanguy (ancien colocataire) et Tifaine (colocataire par alliance … depuis quelques mois on peut enfin le dire) pour le soir. Malheureusement un épais brouillard à leur escale à Delhi bloquant leur avancée, nous devons reporter nos retrouvailles au lendemain. Nous Retrouvons néanmoins Marine, amie et collègue de Tifaine en voyage en Thaïlande aux mêmes dates pour une première soirée à refaire le monde. On se connait peu mais avec une passion pour le voyage commune, il n’est pas bien difficile de finir la soirée à une heure avancée de la nuit. Trois heures de sommeil plus tard, les voici qui nous appellent ! J’emporte la clé, enfile le strict minimum et fonce les retrouver. Peu importe la fatigue des deux côtés, nous nous asseyons pour quelques heures sur le toit de l’hôtel pour refaire à nouveau le monde. Avec la clé, j’ai aussi emporté la possibilité de rafraichir notre chambre (la clé contrôlant l’électricité), Laura hérite ainsi d’un sauna gratuit, pas des plus agréable après une nuit trop courte. Nous dormons tous à des heures différentes, mais le soir nous voilà prêt pour célébrer la nouvelle année. Dans le petit salon de notre hôtel, nous improvisons un apéro chic à la française grâce aux victuailles gentiment ramené de France par nos amis : saucisson, comté et champagne ! La soirée commence bien. Un bateau bus nous offrant de sublimes éclairages plus tard, nous débarquons à Chinatown, épicentre de la cuisine de rue locale. On flâne dans cette ruche, entre stands de fritures et marmites d’ailerons de requins à servir dans un bouillon. Sur le boulevard sur-éclairé, un stand présente une file d’attente à faire pâlir les marketeux parisiens faisant passer un Flunch très (trop?) joliment décoré pour le temple de la gastronomie italienne (les parisiens comprendront et connaissent déjà mon aversion pour ces lieux) ! Nous ne nous arrêtons pas, mais en remontant la file, nous découvrons un petit bout de France ! Une plaque métallique honorant l’établissement du Bib Michelin dans une rue qui se prête plus à un remake de Blade Runner, sacré surprise ! Pour cette première soirée, la densité sur le boulevard est un peu forte, nous trouvons une petite ruelle plus calme, dénichons une table et attaquons un festin de fruits de mer et autres brochettes. Minuit approche, nous tentons de rejoindre un espace ouvert sur le fleuve pour tenter d’admirer le feu d’artifice. Les minutes passent, nos déambulations nous poussent à chaque pas dans des endroits de plus en plus déserts et dépourvus de vue sur le fleuve. Il reste quinze minutes, nous jetons l’éponge, et fonçons bien tassés dans un tuk-tuk vers Khao San road, quartier célèbre pour ces bars fréquentés par les locaux et les touristes. La rue principale ressemble à un concert gratuit le long des quais de Seine, à savoir une masse compacte, avinée et beaucoup trop dense pour nous ce soir là. Se frayant un chemin dans les rues adjacentes, et après s’être souhaité la bonne année en plein milieu de la rue et au coeur de la foule, nous trouvons notre bonheur dans un bar de plein air qui nous offre, en contrepartie de bières horriblement chères (environ six fois le prix laotien, dur contraste), une table « au calme ». Avec les deux nuits en aéroport de Tifaine et Tanguy et la fatigue qui en découle, il n’y aura pas, ce soir là, de grande émulation entre nous. La crève de Tifaine achevant nos vélocités festives, c’est plutôt sagement que nous retrouvons nos pénates à une heure pas trop avancée. Une véritable nuit réparatrice pour tous ne sera pas de trop.

 

 

Le soleil est déjà bien haut quand nous quittons nos appartements le lendemain. Un petit bateau plus tard, nous atteignons le Wat Pho, temple bouddhique attenant au palais royal. Nous déambulons dans cet ensemble, entre murs blancs, stupas colorés, et toits inclinés vert / jaune / rouge. Une des pièces du lieu attire les masses avec son immense bouddha doré et couché couvert d’or (la Birmanie n’est pas loin). Spiritualité, masse touristique et selfies en pagaille, tout ce que j’aime. Quittant le lieu, nous dénichons un café pas trop cher au bord du fleuve dans l’espoir de profiter d’un beau coucher de soleil. Moins d’une heure plus tard, la vision des palais sur l’autre rive dans une lumière violette sublime combleront nos attentes à tous !

 

 

Le soir, la bonne humeur et l’énergie sont de retour, et nous décidons de prendre le contre pied de la soirée de la veille. Khao San road n’est qu’à quelques minutes de marche de notre logement, avec son cortège de vendeurs à la sauvette, Macdo et autres vendeurs d’insectes comestibles qui sont en réalité uniquement destinés à un selfie inoubliable, le scorpion presque dans la bouche… Mais comme beaucoup de villes asiatiques, un lieu bondé côtoie toujours un quartier calme. C’est ce que nous faisons en traversant simplement le canal longeant notre hôtel pour nous retrouver dans un quartier où les immeubles bas se mélangent avec de belles maisons en bois, encore épargnés de la frénésie immobilière. Nous avions marché dans ces ruelles le premier jour avec Laura. Le soir le quartier est encore plus sympathique. Les artères ne sont pas passantes, le bruit des moteurs lointain, nous profitons d’une table installée sur la route pour nous délecter de nombreux plats thaïlandais, le tout agrémentés de bières et de noix de coco fraîches.

 

 

Dernière journée sur Bangkok. Avant le départ de Marine, nous visitons un nouveau temple, la montagne dorée. Temple érigé sur une colline, tout de blanc vêtu avec comme ornements principaux l’apposition de feuille d’or sur le toit, le Myanmar n’est décidément vraiment plus très loin. Séance massage pour certains, photos pour d’autres, l’après midi passe vite… jusqu’à notre embarcation dans un bus de nuit en direction de la mer d’Andaman et ses célèbres plages.

Texte et photos N&B : Alexis B. / photos couleurs : Laura B.

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