Jour 9 – de l’Echalp ( 1687m) au refuge Agnel ( 2580m) en passant par le col Vieux (2806m)
Nous voulions l’éviter mais les aléas météorologiques ont perturbé notre itinéraire. Ce soir, nous dormons au refuge Agnel, dont les hôtes ont la réputation d’être détestables et l’ambiance glaciale.
En attendant, la journée commence tranquillement au frais sous les bois. Un chien aboie sans discontinuer en fond sonore. Serait-ce une prochaine rencontre avec un agressif patou qui nous attend ? Peu de temps après, le voici en haut d’une colline. Forts de notre expérience passée, nous nous arrêtons, lui laissant le temps de nous sentir et lui faire comprendre que nous ne serons pas ennemis. Mais, persévérant, il use de son plus bel aboiement sans s’essouffler.
Un randonneur sympathique arrive à notre rencontre. Je lui demande si nous pouvons franchir le troupeau (invisible depuis notre angle) en même temps que lui. Cela n’empêchera pas le patou d’aboyer, mais plus on est de fous plus on rit… mais surtout plus on va vite ! Notre compagnon de route est un trailer qui propose (comme Alexis) de remonter un pierrier pour nous éloigner du troupeau et rassurer ainsi le patou. Bonne idée.
C’est donc une remontée dans la caillasse au rythme effréné qui nous permet de franchir cette étape… Alexis et moi sommes essoufflés et reprenons tranquillement notre marche, laissant le trailer devenir rapidement un petit point blanc entre les montagnes.
Nous regagnons une sublime vallée, aux allures de Nouvelle-Zélande, tant par l’étendue verdoyante que ses montagnes environnantes. Le ciel se couvre et rend l’ambiance spectaculaire et dramatique. Le lac Egorgéou (2394m) que nous atteignons reflète un ciel chargé.
Entre le bleu et le gris, le soleil tente quelques percées. Il fait froid, mais nous profitons quand même de cet instant pour quelques clichés au bord de l’eau.
Nous grimpons 200m et atteignons le lac Foréant (2618m), le second lac du parcours, dans cette belle vallée verdoyante, presque les pieds dans l’eau. La montée est rapide et le paysage en contrebas mérite qu’on s’y retourne.
Le temps ne s’arrange pas, mais il est temps de faire une bonne pause goûter pour reprendre des forces, avant d’attaquer la montée du col Vieux, que l’on peut imaginer au creux des deux montagnes ci-dessous.
Ici au bord de l’eau, nous croisons un homme âgé d’une soixantaine d’années, émus de voir que nous avons pris la place qu’il occupait autrefois tous les étés, pour camper, et récupérer au passage quelques truites dans le ruisseau.
Plus nous grimpons et plus le ciel s’éclaircit. La vue plongeante sur le lac Foréant qui réfléchit le tumulte du ciel est sublime.
La descente est pour le moins facile et bien plus balisée qu’à l’ordinaire. Et pour cause, nous arrivons bientôt au refuge Agnel, qu’il est possible d’atteindre facilement en voiture. Cette partie du chemin permet alors de franchir aisément un col et profiter d’une jolie vue sans se farcir plusieurs heures de marche. Et surtout pour faire l’ascension du Pain de Sucre, que nous laisserons de côté pour cause de brouillard.
C’est donc une fin de journée confortable pour nous ! Nous regagnons néanmoins un peu tard le refuge Agnel. Nos visages masqués bien avant notre entrée, on commence par nous expliquer les nombreux protocoles sanitaires à respecter en temps de Covid. Et puis le jeune homme termine son discours par le refus (et la grande déception de notre côté !) d’un bon repas chaud. Voyant mon mécontentement (il n’est que 14h passé de quelques minutes), il fait un effort et nous propose deux assiettes de pâtes à la sauce tomate à un prix exhorbitant. Parfait, ouf, merci.
Après une douche presque chaude, nous regagnons rapidement nos sacs de couchage pour une pause lecture prolongée jusqu’au repas du soir, prévue avant 19h. Nos noms sont inscrits sur les longues tablées du réfectoire. Et il est formellement interdit de poser ses fesses ailleurs que sur cet emplacement précis. Un jeune homme tente le coup pour discuter avec un voisin, affecté à une autre table, et se verra rabroué comme à l’école. Message reçu. On ne rigole pas avec le Covid.
Malgré ces règles d’hygiène strictes, le propriétaire du refuge restera torse nu sous son tablier de cuisine toute la soirée. Sa femme a de son côté une tenue que l’on voit rarement en refuge : petite robe noire moulante, string apparent et chaussures à talons.
Afin d’éviter l’attroupement du matin, les hôtes demandent à chacun des occupants de payer sa note avant d’aller se coucher. Ce que je fais, avant de rejoindre notre dortoir, presque rempli cette fois.
Jour 10 – du refuge Agnel au refuge de La Blanche (2499m) par le Pic de Caramantran (3021m)
Ceux qui dorment au refuge Agnel ne passent probablement pas la nuit suivante au refuge de La Blanche, la distance est trop courte. Mais notre parcours a été chamboulé, et nous avons le temps pour nous permettre ce genre de gâterie. Car oui, on nous a dit beaucoup de bien de ce charmant refuge situé au pied d’un lac, niché au creux des montagnes. En retrait du GR58, reculé des chemins de randonnée les plus arpentés, il a donc l’avantage d’être planté au cœur de la nature. Un havre de paix où l’on y mange divinement bien. Alors, évidemment, nous avons succombé à la tentation, et qu’à cela ne tienne, nous improvisons une variante pour agrémenter un peu cette courte journée de marche.
A cette altitude, le départ matinal est vivifiant. Nos corps se réchauffent rapidement avec l’effort et le soleil qui apparait.
Nous atteignons le col de Chamoussière (2884m) rapidement. Cette petite journée de marche nous permet un détour via l’ascension du Pic de Caramantran (3021m). Un sommet qui ne se trouve pas beaucoup plus haut que le col.
Et avec un ciel aussi bleu, la vue 360° de là-haut est imprenable : la Meije et la barre des Ecrins, le Mont Viso, au loin le Mont Rose et notre cher Mont Blanc. Perchés en son sommet, nous croisons trois randonneurs, partis pour franchir un deuxième sommet dans la journée, le Pain de Sucre, juste en face. Nous profitons longuement de la vue avant de redescendre par l’autre côté.
Accompagnés par les marmottes nous redescendons vers le refuge de La Blanche que nous atteignons avant midi. L’endroit est féérique ! C’est parti pour une lessive au grand air, à l’eau glacée de la montagne, en attendant l’heure imminente du repas.
Et le repas est à la hauteur des espérances. Une excellente salade tomates-mozza et autres charcuteries/fromages de la région. Et tout ceci bien meilleur qu’à Paris. Joie sur les visages et les ventres bien remplis.
Notre chambre offre une vue sur la vallée qui confirme bel et bien l’emplacement idyllique du lieu. Au milieu de tant de joie survient une petit piqûre de rappel à la réalité. Les propriétaires du refuge Agnel ont contacté ceux de La Blanche : a priori nous sommes accusés de vol car nous sommes partis sans payer notre note. Faux, bien évidemment. Après quelques heures, je reviens prendre des nouvelles. Les propriétaires Agnel n’ayant pas rappelé, l’affaire a donc été conclue de leur côté et leur erreur réparée… sans pour autant en informer La Blanche, laissant une belle image de nous. Nous ne les portions déjà pas dans notre cœur…
Jusqu’aux dernières lueurs du soleil nous restons dehors. Et puis vient l’heure du repas, divin et pour la première fois végétarien. Il ne fait pas bon vivre pour les randonneurs non carnivores. Nous avons même rencontré une traileuse qui avait abandonné ses convictions et son régime alimentaire habituels pendant son parcours, histoire de pouvoir manger à sa faim après tant d’effort.
Jour 11 – du refuge de La Blanche à Chianale (1820m) en passant par le col de Longet (2650m)
Départ à la fraîche. A défaut de gants, nous optons cette fois pour une paire de chaussettes (propres) enfilées sur les mains pour supporter les premiers moments à l’ombre. Il reste quelques passages gelés en grimpant vers le col, et nous marchons prudemment.
Le paysage est minéral, presque lunaire. Les couleurs des montagnes passent du gris au rouge brique, avec des nuances grises et marrons, nous ramenant en souvenirs aux paysages volcaniques de Lanzarote. Le soleil pointe bientôt son nez, et lorsque nous atteignons le col de la Noire (2955m), le paysage devant et derrière nous est grandiose.
Nous arrivons peu à peu dans la vallée de l’Ubaye. Nous profitons du lac (photo ci-dessous) pour une petite pause. L’eau est turquoise et limpide, comme la plupart des lacs de montagne, comment s’en lasser ?
Nous poursuivons notre descente et découvrons la vallée de l’Ubaye. Le chemin est plus ou moins visible. Nous le perdons de vue et devons crapahuter quelques cailloux pour le rejoindre en contrebas. Et puis le revoici de nouveau, avec la vallée qui s’étire à perte de vue.
Un énorme troupeau de moutons venant dans notre direction mettent les patous à l’affût de ses deux randonneurs qui s’éloignent… presque au pas de course ! Bien éduqués, ils nous suivent du regard sans jamais aboyer. Et c’est tant mieux car la vallée que nous atteignons est absolument magnifique. C’est probablement l’endroit où nous avons, Alexis et moi, fait le plus de clichés. Des petits lacs sont parsemés dans l’herbe, dominés par de belles montagnes. Le tout est sublimé par un ballet de nuages incessant qui modifie la beauté du cadre en permanence. Nous sommes sous le charme.
Le col du Longet (2650m) nous permet de rejoindre l’Italie. Ce soir, nous dormons à Chianale (1820m), petite ville italienne située au bord d’un lac artificiel. Les randonneurs que nous avons croisé et qui connaissent la région nous recommandaient plutôt de dormir dans le village à côté, Pontechianale. Mais cela rallongerait notre temps de marche en repartant et nous avons prévu une grosse journée. Nous dormirons donc en ville, pour la première fois depuis le trek.
Ce midi, nous avons un picnic à se partager avant de passer côté italien. Le temps se gâte et il n’y aura pas de répit pour ce tenace brouillard italien qui tombe sur les montagnes l’après-midi venu.
Nous poursuivons donc notre randonnée en Italie, dans le froid et le brouillard. Nous croisons un cuisinier venu se balader, seul. Sa compagne, elle, se trouve bien plus bas, avec son cheval qui fait des siennes. Celui-ci la ralentissant, c’est son compagnon qui l’attend en notre compagnie près des lacs et du troupeau de vaches. Sa compagne est italienne, et elle aura sûrement une bonne adresse à nous conseiller pour loger à Chianale, nous informe son ami. En le quittant, il nous demande de la prévenir qu’il l’attend encore un peu mais qu’il devra sûrement partir rapidement pour reprendre son service en cuisine.
Peu de temps après, dans une descente boueuse, nous retrouvons en travers du chemin le fameux cheval, toujours immobile. Et la compagne du cuisinier. Après l’avoir informé sur son compagnon, nous lui demandons de bonnes adresses pour dormir ce soir.
Nous repartons de notre côté, souhaitant bon courage aux cavaliers. La descente est brumeuse et monotone. Nous avançons à bon rythme mais nous n’en voyons pas le bout. Après une altitude modérée, la végétation rase laisse place à la forêt de mélèzes.
Au loin, nous entendons le bruit d’un chantier en contrebas. Nous ne sommes plus très loin du plancher des vaches ! Nous retrouvons rapidement une route bitumée que nous suivrons, marchant l’un derrière l’autre sur le bas-côté. C’est moins plaisant, mais plus rapide et nous n’avons qu’une hâte, arriver à Chianale pour poser nos affaires et profiter de nos deux jours de repos.
Nous atteignons premièrement Pontechianale, que nous apercevons légèrement en contrebas. Le village semble en effet très charmant, fait de petites ruelles et de maisons boisées. Nous poursuivons notre route et après quelques kilomètres à tenter le stop en vain, nous atteignons Chianale. La ville semble déserte. Nous trouvons rapidement l’hôtel conseillé par la cavalière. Plutôt cossu, il est situé stratégiquement au pied de la seule remontée mécanique de la station.
La chambre est loin d’être donnée, mais avons-nous vraiment le choix devant toutes ces portes closes ? Nous acceptons et nous nous installons dans notre chambre confortable avec balcon pour les deux prochaines nuits.
Après une douche et des vêtements “propres”, nous descendons en ville. Ville qui n’a que peu d’intérêt car l’architecture moderne en fait un environnement froid et sans charme. Alexis achète du tabac dans l’unique épicerie de la ville et revient avec un stock conséquent et une petite flasque de Genepi. Le prix est modique et donc assurément tentant. Par chance un bar est ouvert, avec l’une des plus charmantes terrasses du coin. Il ne fait pas chaud, mais nous profitons quand même de notre petite bière. La soirée avançant, nous finirons nos verres à l’intérieur accompagnés d’une bonne planche de charcuterie offerte par la maison. Seule la pizzeria d’à côté est ouverte pour notre repas du soir. Loin d’être excellente, nous mangeons assez rapidement et dégustons notre Genepi sur le balcon avant une bonne nuit de sommeil.
Jour 11 & 12 – Chianale (1820m)
La nuit n’est pas très reposante pour Alexis et il se réveille avec des douleurs au ventre. Nous profiterons donc du confort de notre chambre pour nous reposer et rentabiliserons ainsi son prix excessif. Nous en profitons également pour réserver nos prochains refuges jusqu’à la fin du trek. Demain, nous poursuivons notre étape italienne.
Quel plaisir de voir en couleur le petit lac que nous admirons chaque fois que nous entrons dans notre petit salon en Normandie! Et quel plaisir de lire vos aventures et vos exploits, bien installée dans mon canapé , à l’abri de tous les dangers que vous avez rencontrés! Je suis admirative des prouesses physiques et mentales que vous avez accomplies. Bravo!
Quelle est votre prochaine destination ? Hâte de lire les prochains chapitres.
Hâte de voir la photo d’Alexis dans votre petit salon normand ! Et merci pour ton gentil commentaire, ravie que tu continues de suivre nos péripéties, même si elles sont moins exotiques qu’en Asie 🙂
Nous pensons partir de nouveau dans les Alpes cet été, cette fois de manière un peu plus aventureuse car nous dormirons parfois en tente, et un peu plus près des hauts sommets, dans le parc des Ecrins 🙂