Un mois d’itinérance alpine du Piémont à Chamonix. Part.1

Jour 1 : Paris – Susa (Italie, Piémont)

Après un réveil matinal et un retard d’une heure en gare de Paris, le train nous dépose à Oulx. Un taxi nous conduit ensuite un peu plus haut dans la montagne, au-dessus de Susa, pour débuter notre premier jour de marche. Il est 13h15. Nous empruntons une section de La Grande Traversée des Alpes (GTA), et redécouvrons la zone piémontaise entr’aperçue lors de notre Tour du Queyras et ses environs deux ans auparavant.

La température est estivale mais le ciel s’assombrit dès les premiers pas. Nous quittons la route bitumée et regagnons rapidement un sentier de berger. C’est une variante plus directe de la GTA qui nous permet de rejoindre le refuge Il Truc où nous passerons la nuit. La pente est raide, droit dans la montagne. Un décrassage en règle !

Le risque d’orage pointe son nez mais nous ne ferons que l’entendre au loin. Ce n’est pas la pluie, mais la moiteur provoquée par ce cagnard qui trempe nos vêtements. Nous avons 9OOm de dénivelé positif à grimper pour atteindre le refuge. Malgré cette courte journée de marche, la pente constamment raide nous coupe les pattes. Les 10kg sur mon dos et la chaleur écrasante offrent également une mise en jambe corsée.

Nous arrivons au refuge vers 16h30. Modeste, il offre le couvert et le logement pour les ouvriers italiens des chantiers alentours et les rares randonneurs de passage, comme nous. Après une bonne douche, je soigne les premières ampoules avec des pansements peu adaptés à la situation. Espérons que la nuit soit réparatrice.

Autour d’une bière, nous trinquons au début de l’aventure et à la fatigue qui s’installe. Le ciel orageux nous offre différentes teintes et paysages, laissant apercevoir par moments de jolis sommets. 19h30, nos verres s’accompagnent d’asssiettes et de couverts, il est l’heure de manger. Le repas est gargantuesque et excellent ! Antipasti, tarte à la courgette, pâtes au pesto, petites saucisses typiques de la région accompagnées de leurs succulentes patates sautées bien grasses… impossible de venir à bout de ce festin ! Nous remplaçons le dessert par un petit verre de Genepi, espérant brûler en vain quelques calories. L’orage gronde fortement pendant la nuit et le vent est assourdissant. Heureusement que nous ne dormons pas sous notre tente ce soir !

Jour 2 : Refuge Il Truc – Bivouac au lac Malciaussia

Il est 8h30 quand nous quittons le refuge sous un beau soleil. Une douce montée dans les sapins sur un sentier débonnaire nous réconcilie avec le début sportif de cette randonnée. En prenant de la hauteur, le paysage se dégage et offre un beau panorama sur les chaînes de montagne au loin. Le chemin est large et carrossable, ainsi nos pas s’enchaînent aisément.

Nous croisons plus loin une ferme proposant la vente directe de son fromage… mais encore faut-il en avoir le courage, car un chien type Border Collie garde le troupeau attenant à la ferme, au bord du chemin que nous empruntons. Pas le choix, il faut passer devant. Le chien, faisant son travail de protection du troupeau avec beaucoup de sérieux, nous fiche une sacrée trouille en aboyant avec véhémence à quelques centimètres de nos mollets. Je calme mes esprits et mon angoisse lors d’une petite pause, éloignée de la ferme. Pas besoin d’être un patou pour réveiller ma peur des chiens.

Le chemin est encore long. Le temps est superbe, nous sommes chanceux si nous pensons à l’orage qui grondait la veille. Un doute sur la direction nous fait rebrousser chemin. Je me fatigue davantage en voulant éviter de passer près d’une habitation avec un chien, encore refroidie par l’épisode précédent. Une pause ne suffira pas et la montée s’accentuant, je m’épuise davantage.

Je peine énormément sur cette étape et commence à douter de mes capacités physiques. Suis-je suffisamment préparée pour gérer un tel dénivelé ? Une difficulté en entraînant une autre, mes ampoules s’aggravent à chaque pas, frottant toujours un peu plus à l’arrière de mes pieds.

Nous atteignons bientôt le col. Une pause gâteau bien méritée avant de le franchir s’impose, et nous entamons la descente. Bien que plus simple, les genoux flanchent un peu pour achever ces 850m de dénivelé négatif. Mon moral s’améliore vite à la vue du splendide lac qui annonce la fin de notre deuxième journée.

Certes, il est artificiel car il s’agit d’un barrage, mais sa couleur turquoise est néanmoins sublime et les montagnes qui l’encerclent rendent le cadre idyllique pour y poser sa tente ce soir ! L’aire autorisée pour bivouaquer est vaste et nous avons le choix. Seul un autre petit groupe passera la nuit à la fraîche comme nous.

Une baignade éclair dans un torrent glacial soulage nos jambes endolories. Lessive, étirements et montage de la tente achèvent la journée. La fatigue ramollit mon cerveau et je ne suis pas d’une aide très efficace. Une erreur, puis une deuxième et c’est toute la tente qu’il faut remonter. Pourtant, nous nous étions entraînés plusieurs fois à l’installer avant de commencer notre périple, mais nous prenons conscience de l’aspect fatiguant d’un bivouac après une longue journée de marche.

Un petit verre au soleil sur la terrasse du refuge Vulpot nous laisse le temps de la contemplation et de la réflexion. La journée du lendemain sera plus courte que prévu. Mes ampoules aux pieds se sont aggravées et rendent la marche douloureuse. Alors que nous pensions seulement y passer, nous décidons de nous arrêter au village d’Usseglio demain après-midi.

Nous rentrons au bivouac préparer notre repas du soir : dhal de lentilles corail à l’indienne (très épicée !), et chorizo. Nous avons à cœur de ne pas acheter de nourriture lyophilisée (chère, mauvaise et contenant trop d’emballages plastique), alors nous avons emmené de la nourriture en vrac depuis chez nous. Lentilles, semoule, huile et épices, tout y est pour manger presque comme à la maison, la diversité des repas en moins.

Alors que le soleil se cache derrière les montagnes, la température dégringole, tout comme mon énergie. Je peine à finir mes lentilles tant la fatigue me prend, et nous plongeons dans nos duvets à 20h30. Même si le sommeil ne fût pas bon, nous n’avons pas eu froid et la météo est restée clémente cette nuit-là.

Jour 3 : Bivouac au lac Malciaussia – Usseglio

Sur la carte que nous installons sur la table de l’emplacement bivouac ce matin, la journée s’annonce courte et facile. Avec des morceaux de compresse, je tente d’épaissir mes pansements pour amoindrir les frottements sur mes ampoules aux pieds. Mais la journée s’annonce pénible. Deux panneaux de direction s’offrent à nous pour rejoindre Usseglio : par la route bitumée (3h de marche), ou bien par un sentier qui descend le long de la rivière (1h45 de marche). Pensant que le sentier sera probablement plus court et agréable que de suivre les grands lacets de la route, nous descendons vers la rivière.

Le début du chemin est superbe. Très bucolique et verdoyant, des fleurs roses sont éparpillées et un ruisseau coule dans la vallée. Le sentier débonnaire nous permet de profiter pleinement du paysage. Plus loin, nous rejoignons deux lacs situés dans une zone marécageuse. C’est ici que nous prenons conscience que nous avançons moins vite que ne l’indiquait le temps de marche inscrit sur le panneau. Alors que nous avons déjà marché les deux heures indiquées préalablement, la moitié reste à faire.

Nous en avions déjà fait les frais il y a deux ans : les temps de marche indiqués sur les panneaux italiens ne sont absolument pas fiables. S’il est parfois possible de rester fidèle au temps de marche indiqué, il n’est pas impossible non plus de faire beaucoup moins. Mais dans bien des cas, nous pouvons doubler allègrement notre temps de marche par rapport aux indications. Cette information hautement aléatoire décourage beaucoup le randonneur, quand ce n’est pas tout simplement dangereux de s’y fier.

La carte nous indique qu’il faut traverser une colline pour rejoindre l’autre versant. Nous partons droit dans la pente, le sentier ne nous fait pas de cadeau ! J’abîme davantage mes pieds, mes pansements ne servent plus à rien car la montée très raide provoque inévitablement beaucoup de frottements entre mon talon et la chaussure. Cependant, il faut avancer.

Nous atteignons enfin un premier village, retraversons la rivière et poursuivons le chemin de la GTA. Une balise blanche et rouge régulièrement présente confirme que nous sommes sur le bon chemin. De petits villages en chemins de traverse, nous avançons lentement mais sûrement.

Et puis, nous perdons le balisage. Nous fonçons droit vers un troupeau de vaches apeurées à l’approche d’Alexis cherchant le chemin à suivre pour rejoindre Usseglio. Leur mouvement de recul est impressionnant, je m’éloigne, tout comme Alexis. Continuer notre chemin consiste à traverser leur zone de pâturage et je n’y tiens pas plus que ça. Ou bien, rebrousser chemin et poursuivre sur la route. La fatigue et la crainte prennent le dessus. Voici le meilleur des cocktails pour me faire perdre mes moyens. Je n’arrive pas à prendre de décision et c’est l’engueulade qui jaillit.

Nous regagnons la route bitumée et sur un coup de tête, j’interpelle une camionnette arrivant dans notre direction. Une maman et ses trois enfants acceptent de nous prendre en stop et nous emmène à Usseglio. Le village n’est pas grand, il borde une route principale. Nous choisissons le premier hôtel venu, le Grand’Usseglio, une sorte de pension chic pour habitués retraités. Nous y restons deux nuits pour recharger les batteries et soigner mes ampoules aux pieds avec de meilleurs pansements. Un village atteignable en bus, Viu, nous permet d’acheter de vrais Compeed dans une pharmacie. Je vais enfin pouvoir calmer les frottements de mes pieds et me reposer dans un lit confortable.

Le lendemain est une journée en pension complète à l’hôtel. Manger, dormir, se laver, manger, dormir. Après beaucoup de doutes et de réflexions, j’ose enfin exprimer mes incertitudes et mes besoins à Alexis. Nous ne continuerons pas directement à pied notre itinéraire, mais nous rejoindrons la prochaine ville en transport. Nous admettons nos faiblesses face à une partie italienne de La Grande Traversée des Alpes trop physique qui nous coupe les pattes. Ces trois jours ont été plus éprouvants que nous ne pensions car la GTA italienne est très sportive.

C’est décidé, nous nous dirigeons vers la prochaine étape, le Parc National du Grand Paradis. Des journées de marche bien calibrées entre chaque refuge permettent un niveau de randonnée sportif mais pas aussi éreintant et décourageant.

Jour 5 : Usseglio – Ceresole Reale

Un premier bus matinal nous emmène au terminus de la ligne. Un autre bus nous dépose à Turin où nous prenons un train, pour terminer par un dernier bus… on se croirait revenu en Asie après cet enchainement de transport ! Nous voici arrivés au camping très charmant Casa Bianca, à Ceresole Reale.

Nous y resterons cinq nuits. Le temps de soigner mes ampoules et les crevasses qui s’y sont installées par la suite. La vie au camping est calme, douce et ensoleillée. Le restaurant situé dans la ville, La Genzianella, remplit notre ventre trois soirs de suite de façon gargantuesque pour un prix franchement dérisoire. La polenta concia (recette typique de polenta à la Fontina) et ses viandes en sauce sont succulentes et nous sommes gavés. Les italiens, quant à eux, sont impressionnants de gourmandise. Alors que nous peinons à manger notre plat unique, les locaux avalent en plus une entrée et un dessert !

Alexis en profitera pour marcher de son côté deux journées dans les environs. Des passages de cols et des jolis lacs lui ont donné un petit aperçu de ce qui nous attendra par la suite. Mercredi matin, c’est le grand départ. Les blessures sont guéries et la forme est à son sommet. La découverte du Parc National du Grand Paradis marque ainsi la suite de nos aventures itinérantes !

Laura B.

2 thoughts on “Un mois d’itinérance alpine du Piémont à Chamonix. Part.1

  1. Ravi de découvrir le récit … et de bien belles photos … sur le début de votre randonnée itinérante de cet été dans les Alpes italiennes.
    Je ne connais pas cet itinéraire mais une chose est sûre: démarrer le premier jour, en pleine chaleur l’après midi, une étape avec 900 mètres de dénivelé positif et des sacs lourdement chargés n’est pas une bonne entrée en matière… surtout quand on n’est pas “hyper” entraînés….😄
    On attend la suite avec “impatience”
    François

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