Bundi : un petit pas vers la quiétude

Dernier jour à Udaipur. La grande ville a eu raison de nous, nous partons à la recherche d’un peu moins d’effervescence, de plus de calme et d’authenticité. Udaipur, 475 000 habitants (ce qui n’est pas si énorme pour le pays) / Bundi 100 000 habitants. Voilà qui devrait peut-être nous détendre un peu.
Nous quittons Udaipur sur un bon souvenir, la visite d’un temple au cœur de la ville. Un groupe d’hommes est assit au centre, instruments et voix sont à l’honneur. L’émotion nous envahit devant tant d’allégresse, c’est aussi joyeux qu’un gospel et l’on se prend à rester là près d’une heure durant. Les femmes sont assises en tailleur devant les hommes et reprennent à l’unisson les chants religieux en tapant des mains.
Quelques touristes viennent interrompre l’authenticité de la scène à coups de photos pourtant interdites, d’applaudissements au son mais pas au rythme de la musique. Certaines vont même s’assoir aux côtés des femmes qui se recueillent.

Nous récupérons nos affaires à l’auberge et prenons un rickshaw en direction de la gare ferroviaire. Nous avions entendu beaucoup de choses sur les voyages en train indien, qui pour l’instant n’auront pas notre confirmation. Le train ne part qu’avec 10 minutes de retard (lorsque nous entendions parler de plusieurs heures d’attentes). Les wagons se remplissent, nous sommes dans la catégorie Sleeper, ce qui nous permettrait, si besoin, de nous coucher sur une des 3 banquettes. Le trajet ne fait que 4h30, nous resterons donc assis. Je suis impressionnée par la logistique lorsque vient le moment de se sustenter, c’est bien plus élaboré et diversifié que notre wagon restaurant français ! Plusieurs hommes passent dans les couloirs, chacun avec leur spécialité : thalis pour les uns, biryanis, soupe à la tomate, chips, chai (thés), glaces et même Domino’s Pizza pour les autres… on ne risque pas de manquer !

Vers 23h, nous arrivons à Bundi. Notre chambre est immense et la décoration improbable. Nous sommes agréablement surpris par la qualité de notre logement qui nous coûte moins d’1,50€ par personne et par nuit. Bien sûr, la douche et les toilettes sont communs, mais l’accueil est plus que chaleureux, et le chai offert chaque soir pour le coucher du soleil est une charmante attention. L’hôte donne l’impression de faire la majorité des tâches par lui-même, sans décoller le sourire de sa bouche.

 

 

La première nuit me met dans une trouille considérable car devant la fenêtre de notre chambre se bagarrent plusieurs chiens et le bruit est effrayant. Je m’imagine mal quitter ma chambre au petit matin. Il s’avère finalement que les chiens sont bien plus calmes en journée, peut-être écrasés par la chaleur, et par le comportement des indiens à leur égard. La nuit, seuls, ils se livrent batailles entre eux.

Le lendemain, nous partons en ballade dans la vieille ville. Bundi est, comme Jodhpur, surnommée la ville bleue. Ses murs arborent aussi tant d’autres couleurs, nos yeux en sont éblouis !

 

 

Les échanges avec l’autochtone sont bien différents d’une grande ville comme Udaipur. Il n’est plus tellement question de vendre, ou d’aller visiter la boutique du copain qui s’avère être le meilleur tailleur de la ville.

Ici n’est que sourires, à base de « Namasté ». Nous sommes les rares touristes à explorer les lieux et nous ne risquons pas de passer inaperçus ! Les indiens sont très curieux, en surtout les enfants. Garçons et fillettes viennent à notre rencontre très facilement, un grand sourire aux lèvres, les yeux écarquillés. Seules les femmes sont les plus discrètes et se laissent difficilement approcher.

 

 

 

Mais l’âge avançant, les jeunes hommes deviennent plus insistants, voire même irrespectueux. Ils nous prennent en photos en dépit de notre accord, s’approchent de nous, font des selfies à la volée, puis un, puis deux, puis quinze…

Si cette approche complètement gonflée nous amuse au premier abord, elle devient vite gênante et lassante. La sensation d’être une bête de foire, ou une grande célébrité, n’a pas beaucoup d’atouts. Un groupes de jeunes hommes s’approche et l’impression d’être un objet que tout le monde voudrait toucher pour apaiser la curiosité me met franchement mal à l’aise. Nous sommes tellement loin de nos codes français.
Comme il nous serait inapproprié et profondément irrespectueux de photographier quelqu’un sans son accord, de poser avec lui et d’attirer ainsi une foule d’autres « paparazzis » qui ne demande pas mieux, simplement à cause d’une différence physique. Je suis choquée par ce manque de gêne et d’états d’âme.

Nous poursuivons notre chemin en longeant le lac puis nous nous dirigeons vers la visite du Garh Palace et le fort Taragarh qui le surplombe. Nous grimpons pour atteindre le palace et profitons de sa superbe architecture. Les couleurs jaune et orangée de sa structure absorbent gracieusement la lumière du soleil. La visite est plutôt succincte car nous n’avons pas accès à toutes les pièces. La vue du palace offre cependant un joli point de vue dominant la ville, et c’est ainsi qu’on peut observer sa dominante de bleu.

 

 

Nous poursuivons notre ascension direction le fort abandonné, réputé pour être habité par de nombreux singes. On nous conseille de prendre un bâton afin de taper au sol si ceux-ci se montrent agressifs et insistant. Sur le chemin, nous rencontrons un allemand qui partagera notre visite. Considérant les péripéties à venir, je suis plutôt ravie que nous soyons en plus grand nombre.
Nous découvrons un immense bassin d’eau très profond dans lequel quelques singes prennent plaisir à faire trempette. Ceux-ci sont plutôt sages et ne nous dérangent aucunement.

 

 

Nous entrons dans une autre partie du fort, par une petite cour où la nature et ses herbes folles a repris ses droits, mais pas que… une sorte de croisement entre une vache de taille moyenne et l’apparence d’une grosse chèvre nous attend.
Tandis qu’elle broute l’herbe nous parvenons à traverser la cour pour visiter le reste de la ruine. C’est au retour que les choses se compliquent un peu car la dite vache nous bloque le passage et nous empêche ainsi d’atteindre la sortie. Alexis part en premier, la vache se précipite sur lui, il prend donc de la hauteur et garde son calme. Je suis encore de l’autre côté avec Florian, guettant les moindres pas de l’animal. Je suis évidemment terrifiée, le cœur battant à tout rompre, les jambes tremblantes… Une porte de sortie s’esquisse, nous nous dirigeons rapidement de l’autre côté de la cour. Seul Alexis patiente encore à l’intérieur. Encore un peu de patience et la vache part dans la direction opposée, tout le monde est enfin dehors ! Mes jambes en tremblent encore.

La visite se poursuit dans les hauteurs, et la vue est imprenable. Joli coucher de soleil. La rencontre avec Florian fut si agréable que nous prévoyons de nous retrouver le soir même autour d’une bière.

 

 

Le programme du lendemain fut un peu plus léger. Nous rejoignons le marché de la ville pour manger quelques samossas dans la rue. Le cuistot s’amuse de nous voir manger la nourriture épicée des locaux. Il nous sert donc une deuxième ration d’autant plus chargée en piment. Nous sommes épiés, sourire aux lèvres. Allons-nous pouvoir manger autant de piment ? J’avoue ne pas avoir réussi à terminer ma part, il me semble qu’il s’agissait plus d’une plaisanterie locale qu’autre chose ! Alexis, courageux, n’a rien laissé.

Si le cœur de la ville est beaucoup plus calme qu’Udaipur, avec un enchainement de coups de klaxon un peu moins virulent, la zone du marché est beaucoup plus assourdissante. Les scooters se multiplient, tout comme le nombre de files sur une même voie. Klaxon, poussière, slalom entre les piétons, les véhicules, les vaches et les chiens. La pollution nous monte au nez comme la moutarde.

Nous atteignons enfin un traditionnel puit indien. Le seul gratuit de la ville. Et la construction est impressionnante. Je ne m’attendais pas à une telle profondeur et une telle immensité. Le dessin composé par les marches sur les différents étages en fait une structure géométrique sublime. Nous restons assis un moment à contempler le lieu.

 

 

Le lendemain, nous achevons notre dernière journée à Bundi. Nous prenons un bus direction Kota (la grande ville la plus proche) vers 15h. Nous patientons ensuite à la gare routière de Kota pour notre prochain bus : dans 6h, nous serons à Jhansi, avant de prendre un dernier rickshaw qui nous déposera à notre prochain pied à terre, Orchha.

Nous mangeons un morceau à la gare routière. Comme souvent, il s’agit de samossas et autres fritures. Ils ont tous à peu près la même farce, et sont servis avec les mêmes sauces. Je suis absolument ravie de constater que le tenancier de la guitoune, qui attrape un samossas et le met dans un petit bol en carton, l’écrase bien généreusement avec ses mains sales, de façon à l’émietter pour y verser de la sauce dessus. Le tout est servi froid. J’essaye d’oublier cette fâcheuse question d’hygiène, en espérant que le piment fera office d’antiseptique.

Une petite partie de yam’s à même le sol nous occupe en attendant le bus. Mais très vite, nous ne passons plus inaperçus. Une dame vient nous voir pour se faire prendre en photo avec nous. Ce qui ne manque pas d’attirer une quantité inimaginable d’autres hommes qui viennent s’attrouper autour de nous. Nous sommes debout, dans un coin de la gare, à zieuter constamment nos sacs à dos, pendant que la foule se presse autour de nous, armés de leurs smartphones et leur plus beaux sourires. Je me lasse vite de ce phénomène de foire, et pourtant nous devons continuer à sourire devant les multiples appareils photos.

Si l’envie d’être célèbre m’avait traversé l’esprit, elle m’aurait vite dégoûtée après cette expérience ! Le bus arrive enfin, et nous quittons cette meute de paparazzis, soulagés… L’anonymat, ça n’a pas de prix.

 

Laura B.

8 thoughts on “Bundi : un petit pas vers la quiétude

  1. Merci Laura pour ton récit détaillé et plein d’humour !!! Je visualisais parfaitement certaines péripéties et j’ai beaucoup ri ….

    1. Merci Annick ! C’est vrai que certaines situations sont plutôt marrantes…certaines sur le coup, d’autres après les avoir digérées !

  2. On sens un “léger” agacement du touriste qui, par un improbable retournement de situation, se découvre piégé par le comportement excessivement curieux de ceux qu’il est venu observer !
    Une pause dans un espace plus serein s’impose … la ravissante beauté des lieux en sera plus appréciable. Alors souhaitons que votre prochaine étape vous permette de faire ce premier pas vers … la quiétude espérée !

    1. C’est peut-être l’arroseur arrosé, mais il est vrai que notre observation des autochtones est tout de même plus discrète 🙂

  3. Merci pour ce récit qui, comme les deux précédents, nous fait imaginer et rêver.
    Par rapport au tourisme de groupe, votre mode de voyage en totale liberté vous expose à des rencontres “irritantes”…. mais vous trouverez progressivement la bonne distance avec ces individus et vous n’en serez que plus sereins pour la suite de votre voyage.
    Belle découverte de Orchha et de ses habitants.

    1. La bonne distance est difficile à trouver, surtout lorsqu’ils nous considèrent comme de simples touristes et donc porte-monnaie ambulant ! 🙂 Mais on commence à s’habituer peu à peu… à savoir dire non !

  4. Je constate que les codes indiens sont inaltérables. Encore une fois, vous avez tellement eu raison de débuter par là.

    Profitez en :0D

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