Des Gilis à Amed

Dernier jour sur place à Gili Air, mon pied va mieux, la marche n’est plus trop douloureuse, nous pouvons enfin nous adonner au snorkeling. L’île entourée de coraux nous offrent une multitude de spot à découvrir, nous optons pour l’est de l’île où les chances d’apercevoir des tortues sont assez grandes. On récupère notre matos dans la rue à un des innombrables loueurs. Ici, le standard est roi, il faut faire entre 40 et 42 de pointure pour avoir des palmes à sa taille. Pour Laura, ça flotte bien sûr, et l’efficacité des palmes en prend un coup en terme de propulsion. Pour moi, c’est plutôt le contraire, la contraction est forte, avec les petits cailloux qui viennent s’y glisser aux premiers pas dans l’eau, cela n’augure pas une baignade confortable. On choisit un premier endroit plus au moins au hasard, tant les bateaux de plongeurs longent presque la côté en continue. Pour notre plus grand bonheur, on découvre ici l’exact opposé des fonds observés à Kapas : un corail bien moins riche, mais une variété de poissons impressionnante. Couleurs, formes, déplacements tels des hippocampes pour certains, on en prend plein la vue, parfois submergés par ces bancs de poissons qui donnent le tournis à les suivre. Sans appareil photo étanche, il nous a été impossible d’immortaliser ces moments et donc de les partager ici… on meublera avec d’anciennes images.

 

 

On poursuit la remontée vers le nord de l’île, sur un second spot. Ici, la faune marine est moindre, mais c’est une sorte de riff qui nous impressionne. S’éloignant au fur et à mesure de la côte, on sent la fraîcheur de l’eau nous envahir. Plusieurs degrés séparent les premières dizaines de mètres à l’eau claire des zones sombres. Et pour cause, quand les coraux se raréfient faisant place au sable, on observe la présence d’un faille immense, s’enfonçant d’un seul coup dans les profondeurs et les ténèbres. A notre gauche, coraux, eau claire et poissons. Sur notre droite, l’infini des profondeurs et l’absence de lumière… Sentiment effrayant et attirant à la fois !

De retour sur la terre ferme, on quitte la plage pour nous enfoncer dans l’intérieur de l’île pour nous sustenter, malgré l’absolu abondance des restaurants de bords de mer faisant ici une seconde ceinture parfaite après celle de la barrière de corail. La veille, le constat implacable est tombé. Depuis notre arrivée au Népal début mars, la variété culinaire a été fort restreinte pour nos palets. Hormis dans notre seconde maison que fût le restaurant turc de Katmandou (le goût des aubergines rôties ne m’a pas quitté depuis…), nous avons bien souvent dû composer avec les quelques plats locaux (se comptant assurément sur les doigts de la main par région). Sentiments de restriction pour les gourmands que nous sommes. D’autant plus quand on souhaite manger peu de viande. Alors Ubud fût pour nous une redécouverte, des currys divins, des fruits de mer, du poisson. Le meilleur de l’Indonésie était enfin là, nous nous sommes régalés. Couplé à quelques envies internationales, le fromage en tête, un nombre conséquent de Bintang (bière nationale) enfin en abondance dans cette île hindouiste et notre anniversaire, on a complétement pété le budget. Alors on oublie le romantisme, les restaurants chers et la bière pour s’enfoncer dans les méandres de ruelles et retrouver les bouis-bouis locaux. Qui sont, île oblige, bien difficile à débusquer.

 

 

Après un repas simple, nous retrouvons les coraux au nord est de l’île. L’approche est longue et fatigante dans une eau pas assez profonde pour nager et où les pieds souffrent malgré les palmes de la marche sur les coraux morts… On comprend mieux pourquoi beaucoup de gens affrètent des embarcations pour s’adonner aux joies du snorkeling. Mais nous atteignons finalement la barrière de corail pour nous retrouver au cœur d’une vie sous marine sublime. Corail et poissons déploient ici une palette digne de l’arc en ciel. C’est juste magnifique. Alerté par quelques plongeurs venant d’un bateau, je tombe enfin sur ma première tortue. Plus large que moi (pas une performance en soi) c’est sa taille qui en impose, peut être un bon mètre. Paisible, on peut nager près d’elle sans trop de problème, si ce n’est les limites de notre résistance au manque d’air. La suivant un long moment, celle-ci m’amène directement sur deux autres tortues. De tailles équivalentes, l’une se distingue nettement par ses formes. Les deux autres ont les zones de chairs marrons tachetées de sombre. La dernière est comme quadrillée d’un motif régulier. Nous ne serons que trois à profiter de ce spectacle paisible.

 

 

En snorkeling, il est bien difficile de se suivre sans se perdre. J’aurai beau essayer d’apercevoir Laura pour l’inviter à me rejoindre, rien n’y fait, nous ne nous retrouvons qu’au bord de l’eau où Laura confiera ne pas avoir aperçu une seule tortue à son grand regret. Les jambes se font lourdes, les pieds douloureux, j’abandonne les tortues et revient à la plage. En enlevant les palmes, je découvre que mes douleurs ne sont pas un début de crampe dû à la position arquée des pieds, mais plutôt des zones de chair à vif, arrachées par ces palmes serrées et les multiples cailloux s’étant logés contre ma peau. Cela signe la fin de notre journée snorkeling, ne me voyant aucunement rechausser les palmes.

Le soir, nous découvrons le deuxième effet Kisskool de cette activité. Avoir passé plusieurs heures le dos à l’air et humide n’est pas sans conséquence. Nous sommes rouges vifs alors que nous nous croyions immunisés contre les coups de soleil après cinq mois de vie au grand air. Le soir, dernier coucher de soleil sur l’ile depuis la pointe nord ouest comme il se doit dans ces contrées. On y retrouve encore une fois ces nouvelles balançoires à Instagram, cette fois-ci bétonnées au milieu de l’eau… Pour nous un spectacle, mi affligeant mi drôle, de ces couples enchainant les poses sur ces balançoires, entre photos de couple et poses sexys obligatoires pour ces dames. Pour le milieu ambiant, une nouvelle agression de cet espace de vie !

 

 

Le lendemain, retour sur Bali en bateau. Ayant choisi d’atteindre Amed au nord est de l’île, la traversée est plus courte, et la mer bien plus calme qu’au cours de notre précédente traversée. Sur place, une horde de taxi nous attend… Il semblerait qu’ici chaque homme sans emploi soit tour à tour chauffeur de taxi, guide touristique et professeur de snorkeling. Inutile de notre côté, la compagnie maritime nous déposant à notre hôtel “gracieusement” (dans le prix du billet en somme). Sitôt éloignés de la jetée (un simple bout de plage sans aucune construction), on aperçoit le visage d’Amed, succession de petits villages côtiers où la pêche est demeurée une activité essentielle, presque endormis sous ce soleil de plomb. Plus sauvage que Gili Air, ce n’est assurément pas pour nous déplaire. La côté est cernée sur ses flancs sud par les volcans balinais, que nous apercevions le soir au coucher de soleil depuis les plages des Gilis. Laura, comme moi, nous sentons immédiatement bien. La plongée et le snorkeling sont rois ici, mais l’état de mes pieds nous forcent à attendre un peu. Nous lézardons à la plage, nous offrant même le luxe (après négociation bien sûr) de transats ombragés pour ne pas aggraver nos coups de soleils. Le soir, on peut dîner fort décemment le long de l’eau à des prix bien éloignés d’Ubud ou des Gilis, encore un motif de contentement pour gastronomes !

 

 

La circulation peu dense nous offre enfin les possibilités de louer un scooter en toute confiance. Confiance partagée par notre logeuse, qui ne s’intéresse ni à nos permis internationaux (que nous n’avons pas), ni même à nos passeports ou notre maîtrise de l’engin. Démarrer un scooter automatique semble le seul et unique test ici. On prend les routes vers le sud (pas trop le choix en même temps), longeant le Gunung Agung, point culminant de l’île. Premier arrêt dans le temple d’eau de Tirta Gangga, construit au milieu du siècle précédent pour la famille impériale. A Bali, il est très surprenant de voir de nouveaux temples émerger de terre sous nos yeux, tant nos constructions occidentales semblent provenir d’une époque séculaire et presque oubliée dans cette époque de modernisme un peu fou. Plusieurs bassins se présentent à nous, dans un paysage idyllique, quelques ponts sur l’eau offrant de courtes ballades dans le temple aux dimensions restreintes. D’énormes poissons peuplent les bassins que les visiteurs ne manquent pas d’engraisser avec de la nourriture achetée aux abords de l’édifice.

 

 

Nous flânons tranquillement dans les coins calmes du temple, peuplés de statues. Au vu de la fréquentation du lieu et de la taille de celui-ci, on peut être surpris par la présence d’autant d’îlots de calme. C’est que la masse se concentre exclusivement sur un unique bassin, le premier sur la droite en rentrant. Sur celui-ci on peut marcher sur un chemin de rochers taillés, le tout entouré d’un grand nombre de statues religieuses. Nous assistons au spectacle surréaliste de cette queue formée sur les rochers du bassin. Chacun attendant “l’emplacement”, le seul, l’unique, afin d’être pris en photo au milieu de l’étendue d’eau, singeant les positions des statues environnantes. Je me demande qui sont les êtres les plus vivants de ce triste spectacle. Ces statues de roche quasi centenaires ? Ou bien ces femmes et ces hommes enfermés dans un mimétisme absolu (LA photo à faire) d’un lieu qui ne les intéresse à peine… peut être 10% des gens visiteront de fond en comble le lieu, à peine plus grand qu’un terrain de football. Les hordes de visiteurs du Louvre passant devant Le radeau de la méduse sans un regard, hâtés par la découverte de la Joconde sont bien la nouvelle Internationale. Mais au moins, cela nous permettra de profiter des balancelles dans le calme, bercés par la fraicheur des bassins.

 

 

On enfourche de nouveau le scooter pour nous perdre bien volontairement dans les collines bordant Le Gurung Agung. Bien vite c’est un Bali rural que nous découvrons, calme avec ses paysages façonnés par la main de l’homme, grand plaisir ponctué de grands sourires des gens que nous croisons. La curiosité est de retour pour ces deux êtres perdus au milieu de rien. Le scooter nous lance une alerte, un voyant s’allume, on imagine un souci d’huile. Nous arrêtant à une échoppe vendant de l’essence (format un litre réglementaire dans une bouteille de vodka Absolut), ils nous assurent que ce n’est rien. Le cadre derrière le boui-boui est charmant, avec quelques signes nous leur demandons si nous pouvons manger ici. Bien vite, une table est libérée, nous échangeons quelques mots avec un jeune parlant un peu l’anglais (notre balinais s’arrêtant bien vite à mon grand regret). Repas royal, tout le monde est au petit soin. Le riz frit est bon, conséquent, les bananes offertes en abondance… On nous offre même un petit verre d’alcool local, boisson fermentée à partir d’on-ne-sait-quoi. On sent ici que le plaisir de recevoir des étrangers est immense, et que les photos faites avec la famille sont bien plus importantes que la dérisoire note que nous leur laissons. On repart le sourire aux lèvres sur des routes de plus en plus pentues et raides, bon entraînement pour les montagnes vietnamiennes ! On aboutit dans ce que l’on croit être un cul de sac, mais il n’en est rien, on peut emprunter un escalier, monter au sommet d’un colline où un grand temple nous attend. On lâche le scooter et faisons l’ascension, en tongs, sous le cagnard. Nous devons louer un sarong (pagne traditionnel balinais pour visiter le temple), pas de problème jusqu’au moment où, quelques dizaines de pas plus tard, l’on nous informe que nous ne pouvons visiter le temple… préparatif de cérémonie, refus des non hindous, nous ne le saurons jamais. Sentiment étrange de passer en une petite heure d’un accueil les bras et le cœur ouverts à une vile arnaque ! On flâne encore un peu profitant de la belle vue, redescendons sur Amed pour profiter d’un énième coucher de soleil.

 

 

Le lendemain, retour sur le scooter, cette fois-ci à la découverte des rizières. Le trajet est long mais se fait plutôt facilement, nous nous baladons sur de petites routes, parfois des sentiers, pour admirer ces cultures en terrasses déployant leurs nuances de vert. Parfois c’est un cul de sac, parfois un pont qui semble bien fragile mais que les locaux franchissent en moto sans vergogne. Le tout entrecoupé d’arrêts pour faire des photos de ces paysages. Il est évident que le scooter nous est libérateur. On peut voir plus, et surtout, dans cette île sur-motorisée (tout déplacement aussi court soit il est assuré sur un deux roues), les chiens y sont insensibles nous laissant vaquer à nos errances. Cela apaise nos relations de couple mais me frustre parfois. Aux abords des chemins, nous croisons de multiples habitants que je souhaiterais photographier. L’approche à pied, lente, est idéale pour cela, je n’ai plus aucune gêne à lever mon appareil vers la personne pour obtenir un consentement de sa part. L’approche motorisée, bien trop rapide, m’apparaît comme une agression rude et impolie. Piler devant la personne, et la prendre en photo, c’est un safari… en marchant c’est une rencontre. Ma collection de portraits indonésiens en prend un coup, on fera avec (ou plutôt sans), mais cela me manque parfois.

 

 

Nous nous sommes aventurés, sans aucun souci de la ligne droite bien sûr, assez loin, et le retour est franchement éprouvant, vent de face pendant deux heures, de la poussière et quelques routes au trafic dense. La journée valait le coup, mais je ne referais assurément pas cela tous les jours. Le soir on profite de quelques bières (ça faisait bien quelques jours de diète quand même), d’un coucher de soleil et des délicieux lak lak de notre nouvelle cantine, sorte de minis pancakes à la noix de coco. Nous avons décidé de rester à Amed jusqu’à la fin de notre séjour indonésien, le calme du coin nous ayant beaucoup plu et avec la perspective de nombreuses activités que nous ferons une fois les petons remis en état.

 

Alexis B.

6 thoughts on “Des Gilis à Amed

  1. L’avantage quand on reste un moment sans vous lire et qu’on découvre d’un coup toutes vos péripéties c’est qu’on a l’impression d’attaquer un récit d’aventures dignes de ceux des grands explorateurs ! Et encore… je ne me souviens pas que Marco Polo ou Dumont d’Urville ait eu à ce point maille à partir avec autant de chiens errants, d’oursins ou de balançoires à Instagram!!!
    Vos récits sont palpitants, vos photos toujours superbes, vraiment c’est un bonheur d’aller glaner “en goguette”.
    bonne continuation.

    1. Merci Monique, c’est un vrai plaisir d’avoir des lecteurs fidèles et enthousiastes ! Nos péripéties restent bon enfant, nous sommes toujours en pleine forme, malgré une faune plus ou moins accueillante 🙂

  2. Bonjour Alexis et Laura,
    Vous lire est un véritable plaisir. Vos écrits sont dignes d’un roman d’aventures.
    Bonne continuation en Asie du Sud-Est… et, à bientôt, pour de nouvelles lectures de votre blog.
    Alexis, j’ai passé un séjour merveilleux chez tes parents en Vendée.
    Bises.
    Nicole.

    1. Merci Nicole pour ton commentaire 🙂 J’espère que nos prochains récits seront aussi bien narrés, en tout cas ils ne devraient pas manquer d’aventures !

  3. Bonsoir LAURA et ALEX,
    Bravo pour votre courage et votre pugnacité remarquables et merci mille fois pour vos supers reportages.Je vois que votre périple se poursuit sans trop de problèmes malgré quelques déboires alimentaires!…C’est en voyageant que l’on prend conscience de la chance que nous avons ici avec nos bons petits plats…Alors bon voyage et gros bisous de nous deux MONIQUE

    1. En effet, la France est un pays magnifique, et culinairement irréprochable ! Le fromage nous manque mais dans quelques jours, un ami nous retrouve, les bras chargés de cet ingrédient divin, on a hâte ! 😉
      Merci pour ton commentaire et ta lecture fidèle de nos aventures 🙂

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