Hanoï la trépidante

En quittant Amed, on quitte aussi Bali et l’Indonésie. Plus symboliquement, cela marque le basculement vers la seconde moitié de notre voyage… Déjà ! En hédonistes convaincus, on célèbre cela la veille le long de la mer, avec une bouteille d’Arak. Alcool distillé localement et servi dans une bouteille plastique, la combinaison goût bien peu agréable et titrage inconnu (on oscille entre le fort et le très fort) offre une gueule de bois assurée. Le lendemain, on lézarde sur la plage en attendant de quitter les lieux à la tombée de la nuit. Un chauffeur nous emmène, intérieur cuir rouge et noir agrémenté de moumoute, que du bonheur ! Les petites routes sinueuses du nord de l’île que nous avons empruntées pendant notre séjour s’effacent avec la nuit. Remplacées par de grandes 2×2 voies et leur cortège de centres commerciaux, nous approchons bien du sud de Bali. Cette vision nous suffira… Premier avion en direction de Kuala Lumpur pour une longue escale où un banc libre nous offre enfin quelques heures de sommeil puis second avion dans la matinée. On a deux heures de retard, mais on s’en fout, on est au Vietnam !

 

 

Premier instantané, le climat chaud et humide qui nous submerge dès la porte de l’avion. Avec mes quatre t-shirts au compteur, ça va pas être évident. Et comble du comble pour des français, nous n’avons aucun parfum pour masquer cela. On récupère nos bagages comme notre visa de 3 mois puis nous nous engouffrons dans un bus pour le centre ville. Arrivés sur place, nous arpentons avec nos lourds sac à dos les petites ruelles de la veille ville. On retrouve, presque joyeusement, le bordel, le vrai ! Bruit, odeur, promiscuité, un petit goût de l’Inde, les extrêmes en moins. Les sacs posés, on poursuit notre découverte de la veille ville dans ce charmant dédale. Chaque rue à son odeur, son identité. Notre rue est celle des brioches vapeurs fourrées au porc, la suivante celle des casseroles en étain… et ainsi de suite dans ce souk à ciel ouvert où l’on passe bien vite de la rue des clés à la rue des sucreries. Dans une logique que nous n’avons encore pas percée. Le soleil déclinant enfin, c’est une autre particularité qui nous réjouira au plus haut point, la vie, authentique, locale ! Depuis notre départ de l’Inde, il nous fût bien difficile de côtoyer une vie de quartier, de s’asseoir entre des locaux plutôt qu’entre un couple danois et un groupe australien. Il est cinq heures et de nombreux coins de rues sont bondés. Tabourets de plastique et micro tables au ras du sol sont le cadre d’une activité que nous connaissons bien, la bière en terrasse. On ne se fait pas prier et nous nous asseyons bien au hasard dans un de ces lieux bondés, pouvant à la fois admirer la rue, les buveurs et le présupposé au tirage de la bière.

 

 

Avec un climat pareil, c’est une bière très légère qui nous est servi, peut être trois degrés pas plus. Rafraîchissante, elle se boit vite, personne ne la laisse se réchauffer et les serveurs effectuent un balai constant, resservant chaque table toutes les quinze minutes, si ce n’est moins ! A quarante centimes le demi, on peut se le permettre. Les convives qui nous entourent semblent sortis fraîchement du travail, profitant des premières fraîcheurs de la nuit tombante entre amis. Ça rigole, ça parle fort, on est aux anges. Outre ce balai de serveurs, c’est une autre habitude locale qui nous étonne, d’immenses pipes fumées à même la terrasse sans que cela ne choque. Aucune idée de ce que c’est, mais je ne peux m’empêcher de trouver une ressemblance frappante avec les pipes à opium que consomme à outrance Noodles dans Il était une fois l’Amérique. Pour agrémenter nos bières, on s’enfile quelques nouilles sautées aux liserons d’eau, premier bon plat d’une série que l’on espère longue.

 

 

Il n’est pas 6h30 le lendemain matin que nous sommes déjà attablés dans une gargote du quartier, les coudes serrés avec nos voisins pour déguster notre première soupe phô ! Simple bouillon de bœuf agrémenté de viande, nouilles et coriandre, c’est un délice pur et simple. La file d’attente à l’extérieur ne nous a pas trompé. Pour les locaux c’est tout sauf une découverte, plutôt le petit déjeuner quotidien. Le bol est avalé bien vite avant une journée de travail, nous serons les seuls à rompre ce silence de cathédrale avec nos exclamations de contentement. Puis direction le temple de la littérature pour une ballade que l’on espère au calme à cette heure matinale. En chemin nous arpentons les travées d’une ligne de chemin de fer. Comme pour les trottoirs, la population s’est accaparée les lieux et la voie ferré ressemble à une terrasse commune. Du linge qui sèche, des tabourets encore et toujours, des femmes qui cuisinent sur les voies. Cela doit être comique de voir la débandade à l’approche du train quand il faut tout rentrer dans les maisons. De cette zone de vie bien difficile, le train ne devant pas passer à plus d’un mètre des maisons, les habitants ont en fait une attraction touristique. D’innombrables cafés et restaurants joliment décorés peuplent les rez-de-chaussées des maisons, transformant ainsi un quartier bien miséreux en attraction essentielle pour vacanciers en manque de selfies. Nous croiserons ainsi trois shootings photos de jeunes filles dans des poses et des tenues plutôt en contraste avec le quartier.

 

 

Le temple de la littérature, édifié en hommage à Confucius est tout sauf une bibliothèque. Enchaînement de jardins et de pagodes, c’est dans une ambiance très zen, loin des bruits de la ville pourtant si proche, que nous flânons dans ces jardins, admirant de majestueux ficus faisant l’éloge de l’art botanique. Les sculptures nous laissant un peu plus de marbre (oui il fallait la faire, désolé). C’est dans cette enceinte que nous découvrons notre premier épisode de mousson. En quelques minutes, le ciel change du tout au tout, les percées de soleil du matin sont vites oubliées sous cette drache qui noie tout. On attend patiemment au couvert d’une pagode. Il pleut toujours, longtemps, les visiteurs affluent en continu vers notre abri, on décide alors de partir, même s’il faut marcher les pieds dans l’eau. La ville semble d’un coup éteinte, d’un ciel sombre qui a fait fuir les habitants de ces trottoirs qui servent au fil du jour de petit commerce, terrasse de café, table de réception pour les amis… On fonce dans le premier café venu et patientons le temps que l’orage se dissipe. Plutôt facile quand notre commande de café est agrémentée de verres de thés, servis en continu ! Puis d’un coup, la vie reprend, le trottoir s’anime avec le retour de la lumière et nous faisons de même.

 

 

La recherche d’un épilateur pour Laura est le cadre d’une très longue ballade sous le cagnard (plus de 40°C) dans la ville, entrecoupés de plongée dans la fraîcheur des boutiques… gros échec dont on se remettra assurément. Le soir, on poursuit nos déambulations dans la veille ville, au gré des ruelles quand nous tombons dans la rue de la soif locale. Rabatteurs aussi agressifs que les néons de leurs boutiques, une couleur de peau bien pâle peuplant les terrasses et des prix prohibitifs que l’on nous offre sur un plateau comme une bonne affaire. Il n’en faut pas plus, on file sans demander notre reste et trouvons un petit restaurant occupé par plusieurs groupes locaux. Ici encore, la bière semble être le sport national.

 

 

On continue comme ça plusieurs jours, entre découvertes des bouis-bouis servant le phô au petit déjeuner et autres spécialités locales (succulent bun cha) ainsi que nos ballades sans but dans la ville. L’occasion de s’acclimater à l’improbable trafic local et en particulier de maîtriser l’art de traverser les voies. La première notion est qu’une voiture ou un bus écrasera un passant sans remords plutôt que de freiner ou de donner un léger coup de volant. La seconde est que les scooters se faufilent dans ce capharnaüm aisément changeant de direction à tout instant, dans un un ballet aussi bordélique que routinier. Ainsi nous attendons un moment calme, donc sans voitures, pour nous élancer sur la route en faisant fi de la présence ou non des scooters, qui si besoin nous frôleront sans même nous apercevoir. Le tout sans s’arrêter ni changer de rythme. Effrayant au début, on s’y fait bien vite. Mais nous restons souvent pantois, quand savourant un thé en terrasse, nous voyons ces grands mères traversant d’un pas lent et régulier des carrefours à six branches, le tout sans un regard pour le monde qui les entoure. Une fois passée cette étape, on peut profiter du vrai spectacle de la rue, celui des scooters et de leurs chargements. Forcément lassés de ces scooters transportant des familles de cinq personnes, c’est l’absurde que nous épions avec un grand plaisir : siège bébé à la place des jambes du conducteur, bambous de quatre ou cinq mètres de haut tenus dans la main gauche quand seule la droite conduit, stand de marché sur roulette tiré par le passager du scooter, chien tenu en laisse et tracté par le scooter, courant gaiement dans la circulation, scooter faisant office de matelas de fortune…

 

 

Le dernier soir, épuisés de la chaleur de cette fin d’après midi, nous prenons place sur les mini tabourets d’un bar de coin, déclenchant l’intérêt des tables voisines. La communication est bien compliquée, notre vietnamien aussi bon que leur anglais, mais cela suffit, certains habitués semblent ravis de notre présence au point de nous offrir nos bières. Sûrement autant que de mots échangés entre nous, mais peu importe, cela nous touche. Aucun doute, nous retrouverons Hanoï avec un immense plaisir dans les prochaines semaines !

 

Alexis B.

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