Plus loin que le Tour du Queyras : la grande traversée par les crêtes

Jour 4 – de Souliers (1844m) aux Fonts de Cervières (2040m)

Après un petit déjeuner moins bavard que la veille au soir, nous nous dirigeons vers notre prochaine étape, les Fonts de Cervières.

Je m’inquiète de l’état de mes pieds qui ne s’arrange pas. Depuis notre première journée de randonnée, mes ongles de pieds me font horriblement souffrir, comme si mes chaussures étaient trop petites… celles avec lesquelles j’ai pourtant marché plus d’un mois non stop au Népal, sans ampoules ni douleurs ! Notre ami trailer de la veille me prête une huile de massage (pour soulager les maux des sportifs), et me rassure “ça va passer”. Espérons !

La montée vers le col du Péas est douce, pastorale et nous zigzaguons dans l’herbe rase, les hautes montagnes en arrière-plan, traversant parfois la rivière. Le ciel est pur, l’air est doux. Nous croisons peu de monde encore aujourd’hui. Seul le sifflement des marmottes vient perturber le calme ambiant.

Si j’espérais voir au moins une marmotte durant ce trek, elles apparaîtront plutôt par dizaines, et nous aurons toujours le même émerveillement devant ces petites bêtes joufflues.

Après le passage du col, nous croisons un berger. Il fait une pause à un endroit stratégique, le seul qui permet d’avoir un tout petit peu de réseau pour recevoir ses messages. Il en profite pour nous prévenir d’une prochaine rencontre avec son troupeau et ses patous. Les loups rôdent et les chiens de protection, en alerte permanente, passent de mauvaises nuits ces derniers temps.

Il nous donne aussi des nouvelles essentielles sur la météo des jours à venir. N’ayant jamais de réseau ni de connexion internet, nous étions resté confiants sur ce légendaire soleil presque omniprésent au Queyras. Et pourtant, nous sommes mardi et en fin de semaine, la pluie va inonder la région pendant deux jours. Le berger nous l’affirme, il faudra revoir le programme de vendredi prochain et rester tranquillement au chaud.

Légèrement inquiète à l’idée de croiser des patous, le gentil berger fait un bout de chemin avec nous, mais se retrouve très vite engagé dans une nouvelle conversation avec un jeune couple que nous croisons. Le troupeau est assez loin sur les hauteurs, et les patous nous laissent tranquilles sans aboyer. Nous poursuivons notre route dans ce décor vaste et épuré.

Il ne nous reste plus que 500m à descendre pour rejoindre les Fonts de Cervières et son grand refuge dans lequel nous avons réservé deux nuits. Nous prévoyons en effet une journée de repos avant une très grosse journée de marche.

La terrasse du refuge est immense, encastrée dans une vallée verdoyante aux abords d’une rivière bien fraîche. Nous arrivons en plein rush, la terrasse est bondée et les serveurs s’agitent. Le refuge étant accessible en voiture, la foule ne manque pas.

Tous ou presque viennent y déguster l’unique plat du jour : le gigot d’agneau et son gratin dauphinois maison. L’assiette est gargantuesque et délicieuse. Après plusieurs jours de trek, Alexis et moi avons retrouvé un appétit d’ogre et l’on ne se fait pas prier pour saucer l’assiette une fois dépouillée de son contenu !

Nos sacs de randonnée sont toujours posés au pied de notre table à la fin du repas et nous attendons que la foule se disperse pour pouvoir poser nos affaires dans notre chambre… où nous serons seuls cette fois ! Avec les mesures d’hygiène liées au Covid-19, les lits sont dépourvus de couette, ici il n’y a pas d’oreillers, pas de drap housse non plus. Et petit bonus, le matelas est recouvert d’une bâche en plastique pour en faciliter le nettoyage à notre départ. Heureusement que nous ne sommes que deux cette fois-ci car chacun de nos mouvements se révèle très bruyant au contact de cette bâche ! Les toilettes se trouvent dans un autre bâtiment, que l’on rejoint par un petit jardin sous un ciel étoilé. Alexis me réveille pour aller admirer le ciel, qui sans lumière artificielle, laisse apercevoir la Voie Lactée et ses myriades de points blancs. Le spectacle est néanmoins raccourci par la température vivifiante d’une nuit sans nuage.

Le lendemain est une journée de repos. Il existe une petite randonnée pour atteindre un lac et Alexis prévoyait de s’y aventurer. Mais la perspective de notre longue journée de marche le lendemain aura raison de lui, et nous profitons tous les deux d’une journée au soleil, et d’une bonne grasse matinée. Mes pieds me faisant toujours autant souffrir, je profite de la rivière pour y tremper mes pieds jusqu’aux genoux. L’eau est glacée mais revigorante !

Nous parcourons la carte en détail pour le lendemain. Plus de sept heures de marche nous attendent et près de 3000m de dénivelé positif et négatif cumulés. Je suis stressée car je crains de pas avoir les capacités physiques nécessaires.

Le repas du soir témoigne d’une gentille attention de nos hôtes. Comme nous sommes les seuls à rester deux nuits au refuge, nous aurons un repas différent des autres convives pour ne pas manger la même chose que la veille. Nous nous couchons comme les poules, espérant dormir le plus tôt possible.

Jour 5 – des Fonts de Cervières (2040m) au Roux (1750m) par le col des Thures (2797m)

Nous partons à 7h30. La vallée est dans l’ombre et nous démarrons cette journée par une montée en escaliers dans un cours d’eau. Heureusement le sol n’est pas gelé et la montée se fait facilement. Une heure plus tard, nous faisons notre première pause, juste avant que le soleil n’apparaisse et vienne réchauffer l’atmosphère. Le paysage est vaste et épuré, encerclé par les montagnes.

Dans une dernière montée nous atteignons un très beau point de vue sur le lac du Grand Laus (2579m).

Nous croisons un premier randonneur, puis un autre avec qui nous discutons un moment, et chacun nous rassure sur la suite du parcours. Le chemin n’est pas accidenté, avec nos chaussures et nos bâtons de marche, on devrait pouvoir continuer sans encombre. Après un bon quart d’heure de pause/goûter, c’est reparti !

Nous démarrons donc la traversée de la crête aux Eaux Pendantes (2830m) en longeant un petit sentier dans les graviers, à flan de montagne. La pente sur notre droite n’est pas trop abrupte mais le chemin est un peu incliné vers celle-ci, ce qui ne manque pas de me faire perdre mon rythme, le manque de confiance en moi gagnant chacun de mes pas. La marche est lente et peu assurée et nous perdons beaucoup de temps.

Un gros troupeau de moutons a élu domicile sur le chemin qu’il nous faudra emprunter dans quelques temps. La peur des patous s’ajoute à la fatigue qui s’installe. Il est temps de faire notre pause midi, espérant ainsi que le troupeau aura bougé d’ici là.

C’est en effet le cas. Nous repartons rapidement car il nous reste encore plusieurs heures de marche et nous avons perdu du temps à traverser la crête. Le troupeau n’est plus à portée de vue, mais lorsque l’on croise trois jeunes randonneurs, il nous confirme que ceux-ci sont encastrés au pied des montagnes et qu’il faut traverser le troupeau pour rejoindre le chemin. Les patous sont a priori gentils et n’ont pas aboyé sur leur passage… information qui s’est révélée parfaitement inexacte !

Coincés dans cette vallée, il est en effet impossible de passer sans s’approcher des moutons. Ce sont donc les patous qui nous accueillent. Alors qu’ils aboient sur notre passage, Alexis décide d’avancer dans la direction opposée, faisant ainsi comprendre aux patous que nous n’iront pas déranger le troupeau. Nous nous asseyons un peu plus loin et attendons leur départ. Les patous s’arrêtent d’aboyer, comprenant que nous ne sommes plus une menace. Et nous assistons rapidement à leur départ. Nous sommes émerveillés par cette organisation parfaite ! La vitesse à laquelle les moutons s’éloignent, rangés les uns derrière les autres, est impressionnante et il aura fallu patienter peu de temps pour reprendre notre marche.

Direction le col de Rasis (2921m). La pente n’est pas longue mais elle me semble infranchissable. La montée est très raide, dans les cailloux. Je m’essouffle et m’épuise, aidée par Alexis qui me pousse pour amoindrir mes efforts. Je n’en peux plus. Le sommet n’est plus très loin, un dernier effort et nous arrivons au bord d’un joli petit lac.

Aucune photo ne sera faite de ces lieux, hormis celle-ci, l’épuisement ayant monopolisé toute mon attention ce jour-là ! Pas moins de 1200m de descente nous attendent encore avant de terminer cette journée.

Dans un vent laissant penser que nous sommes devenus de simples brindilles chassées par une pichenette, nous atteignons rapidement le dernier col de la journée, les Thures (2797m). Perchés sur une crête vertigineuse, entre les Alpes françaises d’un côté et les Alpes italiennes en arrière-plan de l’autre, la fatigue, le vent et le vertige laissent place (furtivement) à l’émerveillement.

1000m plus bas, le refuge du Roux (1750m) nous attend. Ou bien c’est plutôt moi qui l’attend, avec impatience. Cette dernière descente est éprouvante et il est difficile d’en voir le bout. Le soleil ne nous lâche pas et nous peaufinons notre teint.

Nous arrivons au refuge tardivement à 17h30, dix heures après notre départ ce matin. Après une bonne douche, il nous reste une petite heure pour profiter d’une bonne bière et du coucher de soleil, avant de mettre les pieds sous la table, manger comme des ogres et nous effondrer dans une chambre rien qu’à nous !

Laura B.

2 thoughts on “Plus loin que le Tour du Queyras : la grande traversée par les crêtes

    1. Cela prouve que la recette est inchangée depuis… des années ? 🙂 Plusieurs jours après, nous avons entendu des gens en parler, ils venaient au refuge uniquement lorsque que c’était le plat du jour !

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