Escapades côtières

Quittant Dao Be, nous poursuivons nos découvertes vers le sud. N’ayant aucune idée des horaires, on se demande bien vite où nous serons ce soir. Dans tout les cas, notre objectif final nous apparaît inatteignable. Premier bateau pour Ly Son, le bateau pour la terre ferme part 30 minutes après, parfait ! Puis une heure, puis une heure trente… on est à l’ombre en train de boire du café en terrasse, il y a bien pire comme attente. Finalement le bateau est là, on embarque et filons vers Sa Ki, la traversée est très calme, c’est tant mieux. On évite les rabatteurs bien peu scrupuleux à notre égard et trouvons le bus local devant nous emmener à la gare routière… Vraiment le trajet se passe bien. Le bus est rapide, on se fait déposer à quelques centaines de mètres que nous avalons sans trop nous presser. A la gare, le guichetier nous annonce un train à 14h46, il est 14h43. On paie les billets en vitesse, fonçons sur le quai et montons dans le train in extremis. Nous sommes plus que chanceux, le train suivant était presque dix heures après et seul ce train nous emmène jusqu’à notre prochain objectif Phan Rang. Le contentement fait place à quelques interrogations, le train arrive à quelle heure ? et nous n’avons ni eau ni nourriture, ça pourrait être long… nous furetons dans les wagons jusqu’à dénicher le wagon restaurant. C’est ambiance SNCF des années 50 (où bien l’image que je m’en fais) : nourriture infâme (toujours), bancs et tables en bois et fumeurs avachis. Finalement, le train mettra plus de neuf heures pour atteindre Phan Rang, à un bon cinquante à l’heure ! Ultime taxi, nous y sommes enfin, le long de la mer.

 

 

Après une courte nuit de sommeil, nous n’avons pas trop le courage de prendre de nouveau la route et flânons dans la ville. Côté plage, une immense promenade, du sable propre et d’immenses ressorts. La plupart semblent être bien peu fréquentés, de nombreux autres sont en pleine déliquescence ou carrément à l’abandon. Entre ceux-ci, d’interminables palissades protègent les chantiers des nouvelles constructions, toujours plus grandes, toujours plus luxueuses ! Côté terre, d’immenses boulevards, des quatre voies, des ronds points gigantesques à faire pâlir un entrepreneur de BTP hexagonal. Au bord des routes, taxis somnolents et boutiques aux rideaux tirés se succèdent. Atmosphère étrange, nous sommes hors saison certes, mais les infrastructures et les hôtels semblent complétement démesurés, tel un imaginaire des villes soviétiques construites pour la parade / le défilé militaire annuel.

 

 

Heureusement, non loin de notre chambre, nous tombons sur trois restaurants consécutifs au bord de l’eau. Tous offrent les mêmes prestations :  poissons et fruits de mer en abondance avalés sur nos sempiternelles chaises en plastique. Avec un peu de chance (ou de malchance c’est selon), la prestation avinée d’un chanteur de karaoké peut égailler le repas ! Ici encore l’alcool coule à flot et le service fort simpliste. Sur deux chaises laissées vides, on nous dispose un grand seau à glace et un pack de vingt quatre canettes… Efficace mais plutôt pousse au crime !

 

 

La ville de Phan Rang n’est pas notre objectif en temps que tel, mais les côtes environnantes. On emprunte un scooter à notre logeur et nous prenons la route du sud. Rapidement sortis de l’agglomération, le paysage se métamorphose, notre route lézarde rapidement au milieu de centaines d’exploitations piscicoles de tailles réduites. Entre les exploitations, des maisons simples (pour les mieux lotis…) et un flux de déchets incessant, au sol comme dans l’air. Le décollage économique du Vietnam n’a apparemment pas encore eu lieu dans cette partie du pays. Quelques kilomètres plus loin, c’est un nouveau bouleversement de décor qui se déroule sous nos yeux. La verdure disparaît peu à peu, faisant place à l’ocre du sable qui semble vouloir tout avaler. Les routes sont submergées ponctuellement, et la broussaille de plus en plus disparate. En résulte une concentration impressionnante de troupeau de chèvres, occasionnant de nombreux bouchons sur cette route fort peu utilisée autrement.

 

 

En chemin, nous faisons plusieurs arrêts pour admirer la vue, les falaises, et la mer qui se déploie sous nos yeux. Au cours d’un arrêt, nous apercevons une plage en contrebas, sublime, isolée dans son anse et si calme… L’accès devait être quelques kilomètres plus tôt, on viendra la découvrir sur le chemin du retour. Continuant notre périple, on enchaîne la vision de différentes anses, malheureusement inaccessibles puis nous atteignons enfin un village, d’une saleté confondante… Pause repas au bord de la mer et nous entamons le trajet retour.

 

 

Au moment de prendre l’embranchement pour l’anse sublime, il y a un portique et un gardien… Bien dur de se comprendre, mais au bout de deux minutes, on passe sur le côté sans problème. La route est mauvaise, puis franchement infâme au bout de quelques minutes. Je pense pouvoir postuler sans trop de mal au permis moto aujourd’hui, mais la conduite dans le sable, c’est vraiment pas mon truc ! Ce qui nous force à rebrousser chemin.

 

 

Puis nous partons quatre jours, toujours sur notre fidèle destrier, à la découverte de la presqu’île de Cam Lap une cinquantaine de kilomètre nord. La sortie de ville est interminable, mais sitôt fait, le calme est absolu, la route sinueuse et quasi déserte est un bonheur. Décor sauvage fait de roches et d’arbres défilent sous nos yeux… Nous ne roulons assurément pas très vite pour profiter de cette sérénité seulement entachée par le bruit du moteur ! A mi parcours, nous tombons sur une belle crique qui nous offre une merveilleuse pause au bord de l’eau à observer l’activité des pécheurs.

 

 

Après quelques hésitations nous atteignons la presqu’île. Première constatation évidente, le pont voiture n’y est plus, littéralement effondré devant nous. A sa droite, un petit ponton métallique, calibré pour les deux roues, on peut continuer sans souci. Pour les voitures présentes sur l’île au moment de l’effondrement, cela ne doit pas être aussi simple. Le paysage se fait de plus en plus sauvage à chaque versant que nous franchissons, végétations hautes et immenses rochers lisses. Il ne nous est pas évident de trouver un endroit pour dormir ici mais nous aboutissons finalement à un charmant homestay dans une crique, avec hamacs de série au bord de l’eau. Grand éclat de rire entre nous quand découvrons le frigo de la chambre noyé sous les canettes de bières. Ici pas de place pour une bouteille d’eau ! On pose nos sacs et attaquons un plat de nouilles sautées, quand tout à coup, on nous explique qu’on ne peut pas dormir ici finalement. Sans jamais comprendre la raison. Nous sommes incités à aller un peu plus loin au lieu dit “Sabine”, enfin ça c’est la version comprises à l’oral. Quelques minutes en scooter plus tard, nous passons devant ce qui ressemble fort à un ressort … Merde ça doit être là, mais serait ce un peu trop chic pour nous ? on fouille le reste du coin sans trouver un seul autre hébergement pour nous, et retournons au ressort “Sao Bien”, le bien entendu (ou mal, c’est selon) “Sabine” ! On veut nous faire payer le parking, pas bon signe… Descendant une flopée de marches, nous atteignons une crique calme parsemée de petits bungalows et de constructions en bois, le cadre est idyllique !

 

 

Mais assurément plus tape à l’œil qu’à Dao Bé. Négociant le prix de la chambre la plus simple, on tombe sur un prix bien loin de nos habitudes mais qui ne mettra pas en péril nos livrets A.  La chambre est spartiate (on comprendra vite pourquoi) mais le cadre si parfait que nous acceptons et décidons d’y séjourner quelques jours, bien éloignés de tout ce que nous avons vécu précédemment dans ce voyage.

 

 

Ici la première des activités est la baignade aussi bien dans la mer que dans la piscine affleurante au rivage (et rempli directement d’eau de mer, excellente initiative) !

 

 

La seconde, plus inattendue c’est de profiter de la télévision locale, à savoir les shootings pré-mariages. Pas une après midi ne se passera sans que nous puissions savourer d’un œil parfois moqueur ces sessions de portraits. Tous obéiront aux mêmes règles immuables : effusions de ballons multicolores gonflés à l’hélium sur la moitié des images, prises de vues aux alentours de midi (ombre creuse, lumière trop forte côté photographe, sauna assuré pour les futurs mariés en tenues de cérémonie sous 40°C) et multiples photos allongés dans le sable au début de séance assurant une propreté toute relative aux robes blanches !

 

 

La dernière activité fût de reposer mon pied, dans un état fort peu rassurant. Suite à une glissade sur un rocher au lever de soleil à Dao Be, une petite plaie s’était faite sur mon pied droit. Rien de bien inquiétant au tout début ! Puis les jours faisant, celle-ci s’étendit, marquant une zone rouge et douloureuse sur le flanc extérieur du pied… bien aidé par un positionnement parfait (pile poil au niveau de la sangle de tong), la plaie s’est creusée au fil des jours jusqu’à devenir purulente… Bref on passera tous les détails et les festins que les mouches s’offraient sur mon pied, mais autant dire que pendant les baignades de Laura, j’avançais lentement mais sûrement dans les Rougon-Macquart d’Emile Zola.

 

 

C’est en vous écrivant ce matin que je peux enfin fêter une immense victoire, mon pied n’est plus purulent, ni douloureux, seule une croute persiste. Dans quelques jours, il me sera enfin possible de remettre des chaussures et de marcher normalement.  Depuis, nous avons poursuivi nos péripéties vers le sud en direction du delta du Mekong. Laura a souffert d’une crève carabinée qui l’a cloué au lit pendant trois jours entiers, entre grosse fièvre et sueurs froides. Elle aussi est sur la bonne pente… Autant dire que notre programme fût absolument insignifiant ces derniers jours, pour remettre ces deux éclopés d’aplomb !

 

Texte et photos N&B : Alexis B. / Photos couleurs : Laura B.

 

3 thoughts on “Escapades côtières

  1. C’est pas tout ça mais il faut que les pieds purulents et les rhumes carabinés cessent, car les parents Bodet arrivent bientôt, alors il ne faudrait pas qu’ils trouvent 2 éclopés au Cambodge !!!
    Ceci est une manière pour moi de vous indiquer que, même si je ne vous écris pas souvent, je vous lis régulièrement et toujours avec le même plaisir !
    je serai d’autant plus attentive à votre récit quand, justement, vous partagerez un petit bout de votre belle aventure avec Annick et François.
    Belle continuation.

  2. Ahhh bah quand même ! Je vous croyais surhumain, à l’épreuve de tout.
    Même si c’est désagréable, il en faut un peu de la souffrance, non mais !
    Aristocrates que vous êtes…
    Maintenant que c’est fait, je vous souhaite une suite sans pépins.
    Poutoux

  3. Eh oui ! nous aussi on attend de voir la suite du programme avec les parents maintenant arrivés. Bonne poursuite de ce merveilleux périple et félicitaions pour ces textes et photos, qui, à coup sûr, mériteront une publication à votre retour.

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