Peu d’oxygène, beaucoup d’amour

2 Mai, Gokyo (4800 mètres)

 

Gokyo nous voilà ! Le sacré graal, l’ultime étape (a priori) que nous attendions et ce pourquoi nous avons marché pendant deux semaines, affrontant le mauvais temps, la lassitude des paysages de moyennes montagnes, la fatigue, l’inconfort et les nombreuses mises à l’épreuve de notre couple.
A 4800 mètres d’altitude, le froid est bien présent, l’oxygène un peu moins mais le sourire est toujours constant sur nos lèvres. Le lodge sélectionné ne peut pas être plus près du lac sacré, mais la glace qui le recouvre presque complètement nous empêche pour l’instant d’apercevoir sa sublime couleur turquoise, si belle au contact des sommets enneigés.

 

 

Les bières sont chères, mais qu’importe, trinquons à cette belle étape ! La nourriture est abondante et qui plus est excellente. Nous sommes ravis, et les 6 jours que nous passerons finalement ici en témoignent. Le confort d’une bonne nuit à cette altitude reste néanmoins un doux rêve. Mes jambes sont très lourdes et les fourmillements qui me parcourent le corps durant la nuit inaugurent un réveil matinal un peu douloureux. Sans doute un des nombreux effets possibles de la haute altitude.

Cette première journée sera donc relativement douce pour faciliter l’acclimatation. Nous atteignons le quatrième lac au bout de deux heures de marche, et le paysage est sensationnel. Les sommets enneigés autour de nous contrastent avec l’aridité de cette terre où rien ne pousse.

 

 

Aventureux, nous empruntons un chemin de crête bien plus escarpé pour prendre de la hauteur… et le spectacle n’a rien à envier aux films de science-fiction représentant le chaos d’un monde apocalyptique. Le glacier provenant du Cho Oyu (8 188 mètres d’altitude, soit le sixième plus haut sommet du monde) est imposant et nous admirons l’immense moraine qu’il a provoqué avec le temps. Comme il est incroyable d’imaginer que des blocs de glace peuvent détruire absolument tout sur leur passage, construisant un canyon de roche et de glace sidérant et absolument dévastateur. Comme si un bulldozer avait tout ravagé sur des kilomètres. C’est effrayant et sublime, la claque visuelle est de taille ! Perchés sur notre crête, le vertige nous prend.

 

 

C’est en poursuivant la marche que l’on croise quelques zones enneigées à fouler de nos pieds, lorsqu’au loin le quatrième lac surgit. Comme son acolyte à Gokyo, celui-ci est intégralement gelé, si bien que l’on ne devinera jamais la couleur sacrée de son eau glaciale. Tant pis, cette immensité de glace sera pour nous une pause goûter au soleil bien réconfortante et apaisante. Il faut dire que depuis le début, nous sommes seuls. Pas un trekkeur sur notre route, ce qui rend la beauté de ce lac époustouflante et véritablement sauvage. Nous sommes au cœur des montagnes, et seul le silence attirera notre attention. L’expérience immersive est complète.

 

 

De retour à Gokyo, nous sommes émerveillés. Je note ici la première journée féérique de notre trek, la plus belle de toutes (avant les suivantes). Mes jambes sont moins lourdes qu’au réveil et nous avons pu marcher 4 à 5h sans encombres. 

La nuit suivante, et grâce à l’acclimatation, je dormirai beaucoup mieux. L’ascension du Gokyo Ri le lendemain matin à l’aube aura bien lieue !

A 5h50, nous entamons l’ascension du sommet, ressemblant à une haute colline de terre où rien ne pousse hormis les cailloux. Les trekkeurs, nombreux à avoir foulé le Gokyo Ri avant nous, ont dessiné de nombreux petits chemins en lacets un peu partout. Celui que nous prenons à l’aller s’avère relativement raide et la montée est difficile. Le souffle manque, il faut monter à plus de 5300 mètres et l’oxygène se raréfie. Il faudra compter deux heures pour atteindre le sommet et ses nombreux drapeaux de prières volant au vent.
Et lorsque nous y sommes, essoufflés, on s’émerveille ! 
La vue 360° sur les plus hautes montagnes du monde est époustouflante. L’un des meilleurs points de vue pouvant être atteint sans talent d’alpinisme.
C’est ici que l’on verra enfin l’Everest, bien entouré par d’autres sommets dont les formes sont bien plus belles et remarquables que le simple cône presque parfait que nous offre le toit du monde. Mais il n’a pas besoin d’être original, il est mythique et c’est déjà bien assez. Il aura aussi donc l’humble mérite de laisser la place à ses semblables, qui sans avoir le chiffre symbolique du Numéro 1, auront la grâce de leurs courbes et de leurs dents, de leurs tapis de neige qui parfois semblent prêts à s’effondrer et de leur formes énigmatiques.

 

 

D’ici, nous voyons l’immense moraine observée la veille, mais de plus haut et depuis son origine. Le glacier déversé par le Cho Oyu est un vrai monstre et l’on comprend mieux la taille du couloir chaotique de cette moraine, formée par les blocs de glace qui se meuvent en amont, au fur et à mesure du temps. On aurait le temps de mourir un nombre incalculable de fois avant de connaître la fin du phénomène, et ça nous laisse gentiment à notre condition. De toutes façons, essoufflée comme je suis, j’ai bien conscience que les éléments n’ont rien à faire d’une si courte et si fragile vie humaine !
Mais le temps joue en notre faveur, et le peu de vent nous permet d’éviter le froid pendant trois bonnes heures, face aux géants de l’Himalaya. Quelle joie !
 La contemplation est de taille, le spectacle gratuit et les sièges de choix.

 

 

La redescente mettra deux fois moins de temps. J’apprends à suivre Alexis, le chemin serpenté que nous choisissons est cette fois bien mieux tracé, et je me transforme en cabri. La vue sur le village de Gokyo de si haut est sublime, le village si petit et le lac si imposant. On constate avec joie d’ailleurs que la fonte de la glace avance rapidement et l’on peut enfin profiter de cette sublime couleur turquoise, dans laquelle n’importe quel humain normalement constitué rêverait de se baigner (si l’on met de côté la température).

 

 

Le jour suivant, nous pousserons la ballade effectuée le premier jour, cette fois, jusqu’au 5ème lac. Nous marchons plus longtemps mais le temps est moins clément. Si le soleil est toujours au rendez-vous, le vent et le sable dans les yeux freinent le rythme. Le paysage, sublime, est toutefois similaire.

 

 

Nous passerons la matinée suivante chacun de notre côté. Je rêvais de me reposer et de profiter de ce cadre idyllique avant de le quitter peut-être à tout jamais. Au bout du cinquième jour dans les mêmes vêtements, que nous gardions en partie pour dormir, je rêvais également de m’offrir le luxe d’une bonne douche (à cette altitude, un saut d’eau chaude).
Alexis de son côté, inépuisable, a décidé de monter puis redescendre le col du Renjo La (5360 mètres) dans la matinée. Exploit qu’il fera en deux heures au lieu de cinq ou six prévu par le guide. On lui proposera un boulot de porteur… si toutefois cette reconversion professionnelle valait son pesant d’or !

 

 

Nous passerons notre dernière journée à lézarder une dernière fois devant le lac. Le soleil n’est plus au beau fixe et lorsque nous quittons notre lodge (4 paquets de gâteau en cadeau, nous avons été bons clients !), nous affrontons les nuages gris qui présagent d’une traversée de glacier apocalyptique à souhait !
Au revoir Gokyo, les nombreux pas douloureux à fouler les sentiers du Khumbu valaient bien le sacré de ton eau et l’aura de tes sommets.

 

Laura B.

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